par Denis Dumo
JUBA (Reuters) - Le président sud-soudanais, Salva Kiir, et son vice-président et grand rival politique Riek Machar ont chacun ordonné lundi à leurs troupes de cesser le feu, au terme de plusieurs journées de violents combats dans la capitale Juba.
"Tous les commandants des forces ont pour consigne de cesser les hostilités et de se soumettre aux ordres, de contrôler leurs troupes", a dit à Reuters le porte-parole de la présidence, Ateny Wek, en précisant que Kiir et Machar s'étaient parlé au téléphone lundi dans la matinée.
"Le président a déclaré un cessez-le-feu unilatéral. Je veux rendre la pareille en déclarant un cessez-le-feu unilatéral", a déclaré par la suite Riek Machar à la radio, ajoutant qu'il avait enjoint à ses troupes de cesser le feu à 20h00 (17h00 GMT), deux heures après l'heure de trêve fixée par Salva Kiir.
La journée de lundi a été l'une des plus violentes depuis la reprise des combats, jeudi dernier dans la capitale, peu avant la célébration du deuxième anniversaire de l'indépendance le 9 juillet.
Les affrontements des derniers jours ont fait des centaines de morts et engagent des blindés et des hélicoptères.
On ignore pour le moment qui a le dessus dans les combats et dans quelle mesure Kiir et Machar ont le contrôle de leurs forces.
On ne dispose pas non plus de bilan exact des victimes mais au moins cinq soldats sont morts jeudi et, selon une source au ministère sud-soudanais de la Santé, 272 personnes - dont 33 civils - ont été tuées durant la seule journée de vendredi.
EXTRÊME PREOCCUPATION DE PARIS
Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a exhorté lundi le Conseil de sécurité à imposer au Soudan du Sud un embargo sur les armes, ainsi que des sanctions contre les dirigeants et les chefs militaires qui empêchent la mise en oeuvre de l'accord de paix d'août 2015.
Des fusillades ont éclaté lundi à proximité des locaux de l'Onu dans le quartier de Jebel à Juba ainsi qu'autour d'une base onusienne proche de l'aéroport, qui a déjà été touchée dimanche par des tirs d'armes lourdes.
Deux casques bleus chinois ont été tués, a déclaré à Pékin le ministère chinois des Affaires étrangères. L'un d'eux est mort dans le week-end et l'autre est décédé par la suite de ses blessures.
Illustrant l'anarchie qui règne dans les rues de Juba, un habitant a dit avoir vu des policiers en train d'essayer de piller une boutique de son quartier. D'autres habitants avaient fait état de scènes analogues dimanche.
A Paris, le ministère des Affaires étrangères a exprimé l'extrême préoccupation de la France face à cette reprise des violences qui "n'est pas acceptable", a dit le porte-parole du Quai d'Orsay.
Un cellule travaillant en collaboration étroite avec l'ambassade de France à Juba a été ouverte afin notamment de faciliter, en concertation avec d'autres pays européens, le départ des ressortissants français qui le souhaiteraient.
Le conflit, alimenté par les tensions entre Nuers et Dinkas, ethnies respectives de Riek Machar et de Salva Kiir, a éclaté en décembre 2013 quand le second a limogé le premier. Il a fait au moins 50.000 morts selon l'Onu et 2,5 millions de déplacés, pour une population totale de 11 millions d'habitants.
Un fragile accord de paix a été signé en août 2015, en vertu duquel Riek Machar est devenu vice-président. Mais l'ancien chef rebelle n'est revenu qu'en avril dernier dans son pays, l'accord ayant été plusieurs fois mis à mal par la poursuite des combats.
Réuni en urgence dimanche, le Conseil de sécurité de l'Onu a appelé les deux dirigeants "à faire tout leur possible pour contrôler leurs forces respectives, mettre fin d'urgence aux combats et prévenir la propagation de la violence".
(avec Marine Pennetier à Paris; Pierre Sérisier, Eric Faye et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)