Confrontées à la baisse des revenus pétroliers, les monarchies arabes du Golfe commencent à réduire les dépenses et à stimuler les revenus hors pétrole, mais des analystes estiment qu'elles devraient agir davantage pour juguler les déficits.
Après plus d'une décennie d'excédents grâce au niveau élevé des prix du brut, le déficit budgétaire cumulé des six pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) devrait atteindre 180 milliards de dollars en 2015 et cette tendance devrait se poursuivre.
"Nous pensons que les prix du pétrole vont se maintenir à leur niveau actuel pendant des années", a estimé Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), lors d'une récente visite au Qatar.
Selon elle, les pays du CCG devraient réduire leur dépendance vis-à-vis du pétrole dont ils tirent 90% de leurs revenus.
Déjà, en 2014, ces pays - Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar - n'ont dégagé que 24 milliards de dollars d'excédents contre 182 milliards en 2013, selon le FMI. L'Arabie saoudite, Bahreïn et Oman ont fini 2014 dans le rouge pour la première fois depuis la crise financière de 2009.
Depuis juin 2014, le pétrole a cédé plus de 50% et le FMI prévoit une baisse de 275 milliards de dollars de revenus des pays du CCG en 2015.
Fortes des 2.700 milliards de dollars amassés sur une décennie, ces pétromonarchies devraient, selon le FMI, avoir une approche progressive en matière de réformes et de diversification économique.
"L'ampleur du problème est beaucoup plus grande cette fois parce que les subventions et les salaires ont énormément augmenté ces dernières années jusqu'à atteindre 90% des dépenses courantes", estime M. R. Raghu du centre d'études Kuwait Financial Center.
Au sein du CCG, les dépenses en subventions et en salaires notamment ont totalisé 550 milliards de dollars entre 2008 et 2013, selon le FMI.
Ces pays ont également dépensé des dizaines de milliards de dollars depuis le Printemps arabe, en 2011, pour apaiser leurs populations ou aider certains pays voisins.
Le FMI et la Banque mondiale estiment à 60 milliards de dollars le coût des subventions à l'énergie pour la seule année 2014. Ce montant atteint les 175 milliards de dollars si on tient compte d'autres subventions et aides publiques.
- Timides réformes -
Les mesures prises pour juguler les déficits sont jugées timides.
Les Emirats ont pris l'initiative de libéraliser en juin les prix des carburants et l'émirat d'Abou Dhabi a augmenté le prix de l'électricité avec à la clé des milliards de dollars d'économies.
Ce pays, à l'économie la plus diversifiée du CCG, a annoncé son intention de consacrer plus de 80 milliards de dollars à développer les secteurs non pétroliers.
Le Koweït a commencé à vendre début 2015 le diesel et le kérosène au prix du marché. Il a réduit de 17% les dépenses publiques et s'apprête à augmenter les prix de l'eau et de l'électricité.
Le Qatar a dit son intention de procéder à des coupes dans les dépenses et à réduire les subventions. Oman et Bahreïn, les moins nantis en pétrole, ont aussi annoncé des intentions similaires.
"Cela ne suffit pas et il y a un long chemin à parcourir", estime toutefois Shanta Devarajan, économiste en chef de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord.
"Les mesures doivent porter sur les réformes, le chômage et la diversification et il faut beaucoup plus de mesures", déclare M. Devarajan à l'AFP.
Le FMI conseille notamment des mesures sur l'efficacité énergétique et la réduction des masses salariales.
Dans le cas contraire, les pays du Golfe seraient obligés de surseoir à d'importants projets, une probabilité soulignée par l'agence de notation Standard and Poor's.
Selon le FMI, l'Arabie saoudite, Bahreïn et Oman pourraient épuiser leurs réserves financières dans cinq ans et les autres au bout de 20 ans.
Pour le cabinet de consultants koweïtien Al-Shall, les pays du CCG ne font que "gagner du temps".
La situation nécessite "une véritable chirurgie, une attention sur les dépenses inutiles et la corruption", écrit le cabinet.
Selon M. R. Raghu, les pétromonarchies doivent se résoudre à l'idée que la période du "baril à 100 dollars est révolue et elles doivent vivre avec un baril de 40 à 50 dollars".