par Ghazwan Hassan
TIKRIT, Irak (Reuters) - Les forces irakiennes, au lendemain de leur proclamation de victoire à Falloudja, ont gagné du terrain samedi en direction de Qayara, ville qui pourrait devenir le point d'appui de la reconquête de Mossoul, métropole du Nord tenue par l'Etat islamique (EI).
Deux divisions de l'armée de terre et des unités des forces anti-terroristes se sont emparées de deux villages et ont progressé de 20 km à l'ouest de Baïdji, rapportent les autorités. La ville, qui jouxte la plus grande raffinerie d'Irak, a été reprise aux djihadistes en octobre mais les forces gouvernementales n'avaient pas progressé depuis.
Une base aérienne se trouve à Qayara, ville située 115 km au nord de Baïdji, qui pourrait donc jouer un rôle crucial dans la reprise de Mossoul, 60 km plus au nord.
"Les opérations pour libérer Qayara ne laisseront pas une chance aux terroristes de reprendre leur souffle, en particulier avec le début du compte à rebours pour le nettoyage de Falloudja", a promis le ministre de la Défense, Khaled al Obaïdi, sur Twitter.
L'armée, qui a pris position au début de l'année à Makhmour, à une centaine de kilomètres au sud de Mossoul, sur l'autre rive du Tigre, y menait sans grand succès depuis mars des opérations présentées comme les préparatifs de la reconquête de Mossoul.
A Falloudja, 50 km à l'ouest de Bagdad, les forces irakiennes ont pénétré vendredi dans le centre-ville, au terme d'un mois de siège.
Le Premier ministre, Haïdar al Abadi, a clamé victoire, mais sept quartiers du nord de la ville sont toujours aux mains de l'EI et le sud de ce bastion sunnite est encore en cours de "nettoyage", a-t-on appris samedi de sources policières. Des combats se déroulent par ailleurs rue de Bagdad, le principal axe est-ouest.
Les forces antiterroristes ont pris l'hôpital, l'une des principales positions des djihadistes, qui en ont incendié une bonne partie avant de s'enfuir, et sécurisent le quartier oriental d'Al Dhoubat, précise l'armée dans un communiqué.
La bataille de Falloudja, ville qui comptait plus de 300.000 habitants avant de tomber aux mains de l'EI en janvier 2014, a fait 81.000 déplacés qui ont aujourd'hui besoins de tentes, d'eau et de vivres, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).
LA ROUTE DU DÉSERT
Après avoir rencontré des responsables de l'Onu, Haïdar al Abadi a ordonné des mesures d'urgence à mettre en place dans les cinq jours : installation d'hôpitaux de campagne et de réservoirs d'eau, vaccination des enfants et fourniture d'électricité.
Les djihadistes qui tentent de freiner l'avancée des troupes gouvernementales au nord de Baïdji ont tué deux policiers et blessé trois soldats à coups de mortier, a déclaré le colonel Mohamed Abdoulla, du commandement opérationnel du gouvernorat de Salah al Din.
Deux attentats à la voiture piégée ont été évités grâce à des frappes aériennes, a-t-on dit de sources militaires.
Un porte-parole de la coalition conduite par les Etats-Unis contre l'EI a déclaré que des hélicoptères d'attaque Apache (NYSE:APA) avaient conduit des opérations en soutien des forces irakiennes dans la vallée du Tigre.
Les forces gouvernementales progressent dans le désert le long d'une piste située à l'ouest de l'autoroute Bagdad-Mossoul, qui est truffée de mines et traverse des villages où les djihadistes sont présents en nombre, a déclaré le colonal Mohamed al Assadi, porte-parole de l'armée irakienne.
De hauts responsables du contre-terrorisme ont expliqué à Reuters que l'armée ne prévoyait pas d'entrer dans des bastions locaux de l'EI comme Shirqat ou Hawija, pour ne pas s'enferrer dans des batailles secondaires.
La piste empruntée a également l'avantage d'éloigner l'armée des montagnes de Makhoul, d'où les djihadistes tirent au mortier depuis des mois.
Le Premier ministre a promis que Mossoul, prise en juin 2014 par l'Etat islamique, serait reconquise cette année mais beaucoup d'observateurs doutent que l'armée régulière, qui s'était effondrée soudainement face à l'assaut éclair de l'EI il y a deux ans, sera prête à temps.
Les Etats-Unis estiment que le groupe extrémiste sunnite a perdu près de la moitié du territoire qu'il avait conquis en 2014. La reconquête de Qayara et de la raffinerie voisine d'une capacité de 16.000 barils par jour permettrait aussi à l'Irak de couper une source de financement de l'EI.
(Avec Thaler al Sudani à Falloudja, Ahmed Rasheed et Stephen Kalin à Bagdad, Jean-Philippe Lefief et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)