BERLIN/PARIS (Reuters) - La France et l'Allemagne proposent une série de mesures pour aider l'Europe, "sévèrement mise à l'épreuve" par le vote britannique sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, à répondre mieux aux attentes de ses citoyens.
Dans une déclaration commune consultée par Reuters, les ministres des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault et Frank-Walter Steinmeier prennent acte "avec regret" de ce vote.
Ils reconnaissent que le soutien au projet européen s'est "émoussé" et pas seulement au Royaume-Uni. "Nous ne pouvons nous contenter ni d'un simple appel à plus d'Europe ni d'une phase de réflexion", écrivent-ils.
En matière de gouvernance économique, France et Allemagne font un pas l'une vers l'autre : Paris soutient la nécessité d'une convergence entre les pays de la zone euro, tandis que Berlin admet qu'un "alignement unilatéral" des pays déficitaires sur les pays excédentaires est "politiquement irréalisable".
De façon générale, les deux ministres proposent de concentrer les efforts communs sur les défis qui ne peuvent être relevés que par des réponses européennes et de laisser les échelons nationaux et régionaux se charger des autres enjeux.
Ils prennent acte à demi-mot de l'existence d'une Europe à plusieurs vitesses : "Nous devons reconnaître que les Etats membres peuvent avoir des ambitions différentes en matière d'intégration européenne", écrivent-ils. "Nous devons trouver des moyens de mieux prendre en compte ces différents niveaux."
Ils estiment ainsi, en matière de sécurité et de défense, que les Etats désireux d'établir une "coopération structurée permanente" ou de conduire des opérations devraient pouvoir le faire "de manière souple".
PROMOUVOIR LA CROISSANCE ET ACHEVER L'UEM
La France et l'Allemagne se disent déterminées à promouvoir une nouvelle phase de convergence économique de la zone euro, "reposant sur un équilibre entre obligations et solidarité".
"Les pays excédentaires comme les pays déficitaires devront agir pour plus de convergence, un alignement unilatéral étant politiquement irréalisable", écrivent les deux ministres.
Les deux ministres prônent un "nouvel effort" pour accroître les investissements publics et privés, "libérer la croissance" et améliorer la productivité de l'économie européenne.
Ils citent l'énergie, le numérique, la recherche et l'innovation, la formation professionnelle, proposent un élargissement du Fonds européen pour les investissements stratégiques et, à terme, un cadre réglementaire commun.
Par ailleurs, pour achever l'Union économique et monétaire (UEM), la France et l'Allemagne proposent :
* la désignation à court terme d'un "président à plein temps de l'Eurogroupe", qui rendra des comptes à une sous-commission spécifique du Parlement européen pour la zone euro ;
* la création à plus long terme d'un "organe parlementaire" composé de membres du Parlement européen, avec la participation d'élus nationaux, qui aura "pleine autorité sur les sujets de surveillance budgétaire et macro-économique" ;
* la transformation du Mécanisme européen de stabilité (MES), créé pour gérer les crises financières, en "Fonds monétaire européen à part entière" sous contrôle parlementaire ;
* la mise en place, au plus tard à partir de 2018, d'une "capacité budgétaire" pour la zone euro, afin de soutenir les investissements des Etats membres les plus touchés par la crise.
UNE PACTE EUROPÉEN DE SÉCURITÉ
La France et l'Allemagne réitèrent leur engagement en faveur d'une "union de sécurité" fondée sur l'assistance mutuelle et proposent un "Pacte européen de sécurité".
Les deux ministres, qui souhaitent renforcer l'UE en tant qu'"acteur mondial indépendant", proposent ainsi :
* l'examen périodique par l'UE de son environnement stratégique et l'élaboration de priorités stratégiques ;
* un effort de cohérence des efforts déployés par les Etats membres en matière de planification et de capacités de défense ;
* une intervention plus systématique de l'UE pour gérer des crises ayant une incidence directe sur sa sécurité ;
* la mise en place d'une chaîne de commandement civilo-militaire permanente et de forces de réaction rapide opérationnelles afin de "pouvoir planifier et conduire plus efficacement des opérations militaires et civiles" ;
* la création d'un corps européen de protection civile ;
* un financement commun élargi des opérations ;
* la création, "au besoin", de forces navales permanentes et de capacités propres à l'UE dans d'autres secteurs ;
* la création d'un programme européen de recherche ;
* en matière de sécurité intérieure, un renforcement de l'effort effectué dans les transports ;
* la création d'une plateforme européenne d'échange d'expériences et de bonnes pratiques en matière de prévention et de lutte contre la radicalisation :
* la création d'une plateforme européenne de coopération en matière de renseignement.
UNE POLITIQUE COMMUNE D'ASILE ET D'IMMIGRATION
France et Allemagne se disent déterminées à faire en sorte que l'UE crée le premier corps multinational de garde-frontières et de garde-côtes, avec une contribution franco-allemande.
Elles proposent de créer un "système électronique européen d'autorisation de voyage" pour les ressortissants de pays tiers exemptés de visas et une "agence européenne de l'asile", assortie d'une mobilisation des fonds européens pour financer le retour des immigrés illégaux dans leur pays.
(Emmanuel Jarry, avec John Irish et Andreas Rinke à Berlin)