par Stephanie Nebehay
GENEVE (Reuters) - Les guerres et la persécution ont fait l'an dernier 65,3 millions de déracinés qui se sont souvent heurtés à des frontières infranchissables, à la xénophobie ou à des législations de plus en plus dures, rapporte lundi le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
Ce total sans précédent, qui représente une augmentation de 50% en cinq ans et de près de six millions par rapport à 2014, signifie qu'une personne sur 113 a aujourd'hui le statut de demandeur d'asile, de déplacé ou de réfugié.
Ils étaient 21,3 millions en 2015 et 51% étaient des enfants, dit le HCR dans un rapport intitulé "Tendances mondiales", publié à l'occasion de la Journée mondiale des réfugiés.
La Syrie avec 4,9 millions, l'Afghanistan avec 2,7 millions et la Somalie avec 1,1 million représentent à eux trois plus de la moitié du total.
"Le message adressé par les réfugiés et les migrants qui traversent la Méditerranée et arrivent sur les rivages de l'Europe est que, si on ne résout pas les problèmes, les problèmes nous rattrapent", a souligné Filippo Grandi, haut commissaire de l'Onu aux réfugiés, lors d'une conférence de presse à Genève.
"Il est regrettable qu'il ait fallu si longtemps aux populations des pays riches pour le comprendre. Il faut une action, une action politique, pour mettre fin aux conflits. C'est la meilleure façon d'éviter l'afflux de réfugiés", a-t-il poursuivi.
Deux millions de demandes d'asile - un record - ont été enregistrées en 2015 dans les pays industrialisés et près de 100.000 concernent des enfants non accompagnés ou séparés de leur famille, un chiffre également sans précédent et trois fois supérieur à celui de 2014.
"PRENDRE SES RESPONSABILITÉS"
L'Allemagne arrive en tête du classement avec 441.900 demandes, dont un tiers émane de Syriens. Elle est suivie des Etats-Unis, avec 172.700 demandeurs, dont beaucoup fuient les violences liées au trafic de drogue au Mexique et en Amérique centrale, mais 86% des réfugiés se trouvent dans des pays en développement. La Turquie, premier pays d'accueil avec deux millions et demi de Syriens, est suivie du Pakistan et du Liban.
"La montée de la xénophobie devient malheureusement l'une des principales caractéristiques de l'environnement dans lequel nous travaillons", a noté Filippo Grandi. "Des obstacles se dressent partout et je ne parle pas seulement de murs, mais d'obstacles législatifs de plus en plus nombreux, y compris dans les pays industrialisés qui ont longtemps été à la pointe de la défense des droits fondamentaux liés à celui de l'asile.
"L'arrêt de cet afflux ne signifie pas que le problème des déplacés est réglé", a-t-il souligné, évoquant la fermeture de la "route des Balkans" et l'accord que Bruxelles et Ankara ont conclu en mars pour renvoyer les réfugiés arrivés en Europe via la Turquie, Syriens y compris.
Un accord européen prévoit en outre la relocalisation dans d'autres Etats membres de 160.000 réfugiés arrivés en Grèce et en Italie, mais seulement 2.406 500 y ont effectivement été accueillis.
"Il n'y a pas d'alternative pour l'Europe. L'Europe continuera à recevoir des demandeurs d'asile. Tout le monde doit maintenant prendre ses responsabilités", a ajouté le haut commissaire.
(Jean-Philippe Lefief pour le service français)