Le gouvernement britannique a annoncé mercredi avoir conclu un accord en vue de céder au prix fort ses 40% dans Eurostar à un consortium canado-britannique, une "excellente opération" pour Londres en ces temps de vaches maigres budgétaires.
L'opération doit rapporter 757,1 millions de livres (1 milliard d'euros) et s'inscrit dans un plan de privatisations de 20 milliards de livres (27,5 milliard d'euros) annoncé fin 2014, en vue de réduire la dette du Royaume-Uni, a précisé le Trésor (ministère des Finances) dans un communiqué.
La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) et le fonds d'investissement britannique Hermes Infrastructure doivent acquérir les 40% de capital détenus par Londres dans la compagnie ferroviaire transmanche, pour 585,1 millions de livres (804 millions d'euros). Eurostar a accepté en outre de racheter l'action préférentielle du gouvernement pour 172 million de livres (236 millions d'euros).
Le gouvernement a souligné que le montant de la vente était plus élevé que ce qui était prévu lorsque le processus de cession avait été lancé l'an dernier. Les médias britanniques avaient évoqué un montant potentiel de 300 millions de livres.
"Il s'agit d'une excellente opération pour les contribuables britanniques qui dépasse nos attentes", a déclaré le ministre des Finances, George Osborne.
Aux contraire, plusieurs syndicats ont dénoncé l'opération, qualifié de "nouvel acte de destruction du service public", par Mike Cash du RMT (Rail, Maritime and Transport union).
"George Osborne, à cause de sa croyance dépassée dans un thatchérisme déchaîné, vend une nouvelle fois les bijoux de famille", a renchéri Manuel Cortes, chef de la TSSA (Association des employés des transports).
CDPQ et Hermes Infrastructure, associés au sein du consortium "Patina Rail", ont précisé dans un communiqué qu'ils devraient détenir in fine des participations respectives de 30% et 10% dans Eurostar.
Les opérateurs ferroviaires français SNCF, qui détient 55% du capital d'Eurostar, et belge SNCB, qui possède les 5% restants, ont encore la possibilité d'acheter la participation britannique, en usant d'un droit de préemption dans les 20 jours qui viennent, à condition de débourser 15% de plus que le prix convenu avec CDPQ et Hermes Infrastructure.
- Changements en vue pour Eurostar -
Toutefois, contactée par l'AFP, la SNCF a indiqué qu'elle proposera à son prochain conseil d'administration, à la fin du mois, de ne pas exercer son droit de préemption.
Et selon une source au Trésor, la SNCB devrait aussi s'abstenir.
La SNCF avait déjà indiqué cet automne qu'elle n'était pas candidate au rachat de ces 40%. Elle avait expliqué qu'une nouvelle gouvernance et un pacte d'actionnaires seraient mis en place avec l'acquéreur, ce qui lui permettrait "de disposer du contrôle de la société, en cohérence avec sa position d'actionnaire majoritaire", ce qui n'était pas le cas jusqu'ici.
Le gouvernement britannique espère boucler la transaction au cours du deuxième trimestre 2015, soit potentiellement après les élections législatives prévues le 7 mai.
Le directeur général d'Eurostar, Nicolas Petrovic, avait quant à lui assuré à l'AFP le mois dernier que quel que soit l'acquéreur, cette cession "ne changera pas notre stratégie, nos objectifs et notre ambition".
Cette recomposition du capital intervient alors qu'Eurostar, qui a célébré l'an dernier ses 20 ans, se prépare à d'importants changements.
L'entreprise, qui a battu des records d'activité en 2014 avec 10,4 millions de passagers transportés entre Londres, Paris et Bruxelles, va lancer le 1er mai une liaison directe entre Londres et Marseille.
Et elle mettra en service en fin d'année de nouveaux trains fabriqués par Siemens, qui lui permettront d'améliorer son offre avant la perte probable de son monopole l'an prochain. La compagnie allemande Deutsche Bahn, grande rivale de la SNCF, devrait en effet commencer à faire circuler en 2016 ses propres trains dans le tunnel sous la Manche.
Le gouvernement Cameron n'en est pas à son coup d'essai en matière de cession d'actifs ferroviaires. Il avait déjà cédé en novembre 2010 à un consortium de fonds canadiens l'exploitation pour 30 ans de "High Speed 1", la ligne à grande vitesse empruntée par l'Eurostar entre Londres et le tunnel sous la Manche, pour la bagatelle de 2,1 milliards de livres.