BRUXELLES (Reuters) - La Commission européenne poursuivra le 9 décembre les discussions sur le projet de gazoduc South Stream, bien que Gazprom ait annoncé son abandon, a annoncé mardi l'exécutif communautaire.
Lundi, le géant public russe du gaz naturel a déclaré que ce projet de 40 milliards de dollars (32 milliards d'euros) était abandonné. Quelques heures auparavant, le président Vladimir Poutine avait expliqué que son pays pourrait renoncer au projet si l'UE y était opposée.
South Stream devait, dans le projet défendu jusqu'à présent par les deux parties, relier la Russie à l'Autriche en passant successivement par la mer Noire, la Bulgarie, la Serbie et la Hongrie, en contournant le territoire ukrainien.
"La Commission a accueilli plusieurs réunions qui visaient à trouver pour ce projet une solution qui soit pleinement conforme à la législation de l'UE", a déclaré mardi dans un communiqué le vice-président de la Commission Maros Sefcovic.
La prochaine de ces réunions est prévue le 9 décembre et elle aura bien lieu, a-t-il assuré, ajoutant que la sécurité de l'approvisionnement était une priorité dans un contexte "en constante évolution".
South Stream est censé acheminer 63 milliards de mètres cubes de gaz russe par an vers l'Europe, l'équivalent de plus de 10% de la demande européenne.
Mais sa pérennité a été mise à mal à la fois par la crise ukrainienne, qui a ravivé les tensions entre Moscou et l'UE, et par la chute des prix de l'énergie sur fond de faiblesse persistante de la demande de gaz.
DIVERGENCES EUROPÉENNES
"Je crois que la probabilité de voir South Stream construit est désormais proche de zéro", a déclaré Pierre Noël, spécialiste de la sécurité énergétique à l'Institut international des études stratégiques (IISS).
Selon certaines estimations, South Stream a besoin d'un prix de marché de 9,50 à 11,50 dollars par millions de "British thermal units" (BTU) alors que le prix moyen sur le marché spot évolue depuis le début de l'année entre six et neuf dollars.
L'annonce de l'abandon du projet par la Russie a eu lieu au moment même où Vladimir Poutine et le directeur général de Gazprom, Alexeï Miller, se trouvaient en visite officielle en Turquie, un déplacement au cours duquel le président russe a proposé à Ankara de construire un gazoduc vers son territoire.
"Je ne crois pas que Poutine bluffe. Je crois qu'il est bel et bien en train de s'adapter à une situation géopolitique entièrement nouvelle en Europe", dit Pierre Noël.
L'offre de Moscou à la Turquie, qui n'est pas membre de l'UE, est ainsi perçue comme le reflet d'une volonté politique de la Russie de trouver en dehors de l'Union européenne des soutiens au projet de gazoduc vers l'Europe de l'Ouest.
Parallèlement, au sein même de l'UE, South Stream a été source de divergences de vues, les pays censés être traversés par le gazoduc y voyant un remède au risque de perturbation des livraisons de gaz passant par l'Ukraine, alors que Bruxelles le considère comme un moyen pour Moscou de renforcer la dépendance énergétique européenne à son égard.
(Barbara Lewis, Henning Gloystein et Dmitry Zhdannikov, Marc Angrand pour le service français)