par Emile Picy
PARIS (Reuters) - Le projet de loi Travail revient mardi devant les députés pour une nouvelle lecture après quatre mois d'une bataille sociale et politique qui a déjà contraint le gouvernement à engager sa responsabilité lors de son premier passage à l'Assemblée.
Le Sénat, où la droite est majoritaire, a adopté il y a huit jours un texte remanié dans un sens libéral, avec la suppression de la norme légale des 35 heures de travail hebdomadaires.
La commission des Affaires sociales de l'Assemblée a rétabli le projet adopté le 12 mai après rejet d'une motion de censure déposée par l'opposition en riposte à la décision de Manuel Valls de recourir à l'article 49-3 de la Constitution.
Cette procédure permet d'adopter un texte sans le soumettre à un vote si le gouvernement n'est pas sûr de sa majorité.
Le Premier ministre et le chef de l'Etat, François Hollande, menacent d'y recourir de nouveau si les "frondeurs" socialistes refusent encore de voter cette réforme, qui instaure la primauté de l'accord d'entreprise sur les accords de branches, notamment en matière d'organisation du travail.
Cette "inversion de la hiérarchie des normes" est un des principaux points rejetés par le Front de gauche, une partie au moins des "frondeurs" du PS et un front du refus syndical composé de la CGT, de Force ouvrière, Solidaires, la FSU, et les syndicats étudiant et lycéens Unef, Fidl et Unl.
La droite et le patronat, Medef en tête, jugent au contraire qu'il a été vidé de sa substance et ne va pas assez loin.
Le gouvernement a proposé trois amendements pour tenter d'amener au moins une partie des "frondeurs" à voter le texte.
LE GROUPE PS SE PRONONCE MARDI
L'un laisse aux partenaires sociaux le soin de définir dans les branches les thèmes pour lesquels un accord d'entreprise ne pourra pas déroger à un accord de branche, quand la primauté de l'accord d'entreprise n'est pas spécifiée dans la loi.
L'autre ajoute deux domaines où l'accord d'entreprise ne pourra pas faire moins bien que l'accord de branche : l'égalité hommes-femmes et de la pénibilité. Le troisième propose d'associer les partenaires sociaux à la suite de la réécriture du Code du travail par le Haut conseil du dialogue social.
Pour les chefs de file des "frondeurs", comme pour la CGT et FO, "le compte n'y est toujours pas".
"Le gouvernement en est à sa quatrième version, le texte a encore bougé ces derniers jours", se défend le secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement, dans Le Monde. "On ne peut pas dire que l'intransigeance est du côté du gouvernement."
"Parmi les opposants, il y a eu la reconnaissance de gestes significatifs. Il serait logique qu'ils ne soient plus sur le retrait ou le rejet", ajoute Jean-Marie Le Guen.
Le groupe socialiste à l'Assemblée doit se prononcer mardi matin sur le texte et les trois amendements, ce qui permettra de savoir si le gouvernement doit ou non recourir au 49-3.
Manuel Valls pourrait annoncer un nouvel engagement de la responsabilité du gouvernement dès mardi après-midi ou mercredi.
Dans ce cas, l'opposition Les Républicains-UDI a d'ores et déjà annoncé qu'elle déposerait une motion de censure, qui pourrait être examinée jeudi ou vendredi.
MANIFESTATION
Comme en première lecture, il est peu probable que la "gauche de la gauche" réunisse les 58 signatures de députés nécessaires pour déposer la sienne, les derniers amendements gouvernementaux étant susceptibles d'en dissuader plusieurs.
Une fois rejetée la motion de l'opposition, le texte repartira au Sénat, où son examen est prévu le 18 juillet. Les sénateurs pourraient alors voter une motion de procédure pour abréger les débats et rejeter le texte.
L'Assemblée, qui a constitutionnellement le dernier mot, procèdera le 20 juillet à la lecture définitive. Il est peu probable que l'opposition dépose alors une nouvelle motion de censure, à la veille de la pause estivale. Mais elle devrait déposer un recours au Conseil constitutionnel.
Mardi, quand les députés engageront le débat en séance, une nouvelle manifestation se déroulera à Paris à l'appel du front du refus syndical. Ce sera la douzième journée de mobilisation contre ce texte porté par la ministre du Travail, Myriam El Khomri, et sans doute la dernière avant les vacances estivales, même si la CGT et FO promettent encore de l'action cet été.
Si le texte est adopté en l'état, François Hollande et Manuel Valls "le paieront d'une façon ou d'une autre", a dit sur France culture le numéro un de FO, Jean-Claude Mailly, qui donne rendez-vous au gouvernement à la rentrée, comme son homologue de la CGT, Philippe Martinez.
(Edité par Emmanuel Jarry)