L'Unédic, chargé de la gestion de l'assurance chômage, a annoncé jeudi s'attendre à une poursuite de la hausse du nombre de chômeurs en 2013 et en 2014 --à contre-courant de l'objectif de François Hollande--, et une aggravation du déficit de l'assurance chômage.
Alors que le chef de l'Etat maintient son objectif de renverser la tendance à la fin de l'année, l'organisme paritaire estime que la hausse d'inscrits en catégorie A (sans activité) se poursuivrait, "mais à un rythme moindre", pour atteindre 3,3 millions de personnes en décembre, soit 178.700 inscrits de plus au cours de l'année 2013.
En mars, 3,2 millions de chômeurs sans activité étaient inscrits à Pôle emploi, un record.
L'Unédic entrevoit cependant un ralentissement sensible: alors que l'on comptait 99.200 inscrits supplémentaires au 1er trimestre, ils ne seraient plus que 4.900 au 4e trimestre.
Cette décélération "conforte l'analyse du gouvernement et son objectif d'inverser la courbe du chômage d'ici la fin 2013 et au-delà", a réagi le ministre du Travail Michel Sapin, interrogé par l'AFP.
En 2014, la hausse continuerait selon l'Unédic, avec 128.700 inscrits de plus. Mais pour M. Sapin, une "inversion durable" de la courbe du chômage est à "portée" car l'Unédic se fonde "sur une hypothèse de croissance inférieure à celle du gouvernement (+0,7% contre +1,2%) et ne prend pas en compte tous les effets des politiques et réformes".
Ces nouvelles prévisions "intègrent l'impact du CICE (crédit impôt compétitivité, ndlr), qui commencerait à créer des emplois au second semestre 2013" et la mise en oeuvre des emplois d'avenir, a toutefois précisé Vincent Destival, directeur général de l'Unédic.
L'organisme a par ailleurs maintenu ses prévisions de déficit pour 2013, à 4,8 milliards d'euros en fin d'année, et une dette (déficit cumulé) à 18,5 mds.
Fin 2014, le déficit annuel pourrait atteindre 5,6 mds et la dette cumulée 24,1 mds.
Négociation compliquée
Ces prévisions mettent en difficulté l'organisme piloté par les partenaires sociaux, qui doivent remettre à plat les règles d'indemnisation cet automne lors d'une négociation qui s'annonce compliquée.
"Il va falloir prendre des mesures pour que la trajectoire nous ramène à l'équilibre financier d'ici 2017", a prévenu Jean-François Pilliard (Medef).
L'Unédic devra renflouer ses caisses tout en accordant aux chômeurs les "droits rechargeables" leur permettant de conserver les droits acquis quand ils retrouvent un emploi, comme le prévoit la nouvelle loi sur la sécurisation de l'emploi.
Le renchérissement des cotisations patronales sur certains CDD, également dans la loi, pourrait ne pas suffire. Les marges de manoeuvre sont faibles, les syndicats refusant catégoriquement de pénaliser les chômeurs.
La Cour des comptes, qui a préconisé en janvier une profonde révision du régime d'assurance chômage, a notamment plaidé pour une baisse de l'allocation maximale, suscitant une levée de boucliers syndicaux.
Ce maximum (6.161,29 euros mensuels nets) est touché par seulement 1.600 personnes. En moyenne, les chômeurs indemnisés reçoivent 1.055 euros net par mois, soit 69% de leur salaire antérieur.
De leur côté, plusieurs candidats à la présidence du Medef, dont le favori Pierre Gattaz, militent pour un retour de la dégressivité des allocations, supprimée en 2001. La règle aujourd'hui en vigueur du "un jour travaillé, un jour indemnisé" sera aussi dans la balance.
A cela s'ajoutent des critiques récurrentes sur la complexité des règles d'indemnisation. En cause, le boom de l'"activité réduite", qui permet de cumuler allocation et travail, à certaines conditions. Conçu pour quelques milliers de personnes au milieu des années 1980, ce dispositif concernait 1,2 million de chômeurs fin 2011.
"La place prise par l'activité réduite et les contrats courts pose une question de fond: quel sens donner à l'assurance chômage dans ce contexte ? Ce sera l'enjeu de la future négociation", a estimé Patricia Ferrand, vice-présidente (CFDT) de l'Unédic.
Un rapport interne de l'Unédic, présenté aussi jeudi, préconise une "évolution" des règles et prône notamment "la limitation, sinon la suppression" des seuils encadrant le cumul allocation-salaire pour les chômeurs ayant une "activité réduite".
Fin mars, François Hollande avait appelé les partenaires sociaux à trouver un système qui "encourage le retour vers l'emploi" et "se cumule davantage qu'aujourd'hui avec la reprise d'un emploi (...), même à temps partiel".