MARSEILLE (Reuters) - Le transporteur corse Patrick Rocca a signé jeudi les actes de cession qui en font le propriétaire de plein droit de l’ex-SNCM, une situation qui ne suffit pas à éclaircir l’avenir de la compagnie maritime convoitée par son rival Corsica Maritima.
"Les actes ont été signés, nous sommes les propriétaires de la flotte", a affirmé le président de MCM en marge d’une audience à huis clos du tribunal de commerce de Marseille.
Le repreneur sera de retour le 25 février devant les juges consulaires pour introduire une "demande de requalification d’ouverture du capital", une condition nécessaire pour lui permettre de céder 100% de ses parts à Corsica Maritima.
C’est une étape nécessaire pour permettre une ouverture totale du capital que ne prévoyait pas le plan de reprise avalisé par le tribunal de commerce qui, le 20 novembre, a désigné Patrick Rocca pour reprendre les actifs de la compagnie maritime placée un an plus tôt en redressement judiciaire.
Sans ce sésame judiciaire, les deux parties ne pourraient appliquer l’accord signé durant le week-end, qui prévoit la cession de 100% des actifs de Patrick Rocca. En contrepartie, le propriétaire de MCM entre au conseil d’administration de CM Holding, une entité créée par le consortium Corsica Maritima, dont il devient l’un des 15 principaux actionnaires.
"C’est un préalable et une étape vers la fusion sous réserve de l’autorisation du tribunal. J’espère convaincre la justice que cette solution est la seule pour l’ex-SNCM et pour la Corse", a dit l’avocat de CM Holding, Maurice Lantourne.
Les salariés ont une autre lecture de la position et considèrent que l’audience a fermé la porte à cette cession.
"On peut penser que ce scénario s’éloigne, surtout que le ministère public a clairement déclaré qu’il n’est pas favorable au retour autour de la table d’un candidat qui n’a pas été retenu dans un passé récent", a souligné le secrétaire CGT du Comité d’entreprise de MCM, Jean-François Simmarano.
MER AGITÉE
Depuis sa prise de contrôle de l’ex-SNCM, le 5 janvier, Patrick Rocca a été confronté à une situation économique et politique mouvante, marquée par une féroce concurrence de la CM Holding présidé par François Padrona, chef de file de la grande distribution en Corse.
Conjointement créée par le consortium Corsica Maritima et l'armateur Daniel Berrebi, deux anciens candidats à la reprise de la SNCM, Corsica Linea a ouvert en janvier une ligne de fret concurrente entre la Corse et le continent qui a contribué à davantage fragiliser la situation de la nouvelle compagnie MCM.
"La mer n’a pas été calme depuis un an dans ce dossier hors norme”, a reconnu l’avocat de MCM, Alain Guidi.
L’offensive, jugée illicite et déloyale par le Comité d’entreprise (CE) de MCM et par les administrateurs judiciaires, a fait l’objet jeudi d’une audience devant le juge des référés qui rendra sa décision lundi prochain.
Les repreneurs potentiels de la SNCM avaient en effet signé une lettre de confidentialité qui prévoyait notamment de ne pas solliciter les services de clients de la compagnie.
"On est en présence d’un acte de piraterie, d’un coup de force pour étrangler M. Rocca émanant d’un candidat évincé qui veut revenir dans le dossier", a estimé l’avocat du CE, Guillaume Bordet, qui a réclamé une astreinte de 150.000 euros pour toute nouvelle infraction constatée de Corsica Linea.
La fusion annoncée entre les deux anciens rivaux corses s'inscrit dans la volonté de la collectivité territoriale de Corse (CTC), dirigée depuis décembre par les nationalistes, de créer d'ici l'été une compagnie régionale pour assurer les liaisons entre la Corse et le continent.
"On a une solution corse dans l’intérêt de la Corse", a résumé à la barre l'avocat de CM Holding, Maurice Lantourne.
MCM compte aujourd’hui 903 salariés contre près de 1.500 avant la reprise de l’ex-SNCM par Patrick Rocca.
(Yves Clarisse)