PARIS (Reuters) - L'incendie de l'usine Lubrizol a "clairement pollué" la ville de Rouen, a déclaré vendredi la ministre de la Santé, tout en relayant les messages rassurants du gouvernement face à une situation sans précédent qui inquiète la population.
Les autorités écartent tout risque de "toxicité aiguë" après le violent sinistre qui a englouti la fabrique d'additifs pour lubrifiants - classée Seveso en raison de la dangerosité des produits qu'elle abrite - et la pluie de suies qui a suivi.
Mais Agnès Buzyn, venue sur place avec la ministre de la Transition écologique à la suite des ministres de l'Intérieur et de l'Education nationale, a reconnu l'existence d'un risque sanitaire.
"La ville est clairement polluée", a-t-elle dit lors d'un point de presse. "Il faut imaginer cela (...) comme des galettes par exemple de goudron sur les plages. Si on voit des galettes de goudron sur les plages, on demandera aux enfants de ne pas les toucher et de se laver les mains", a-t-elle expliqué.
"C'est la même chose que nous demandons aux riverains: nettoyer ces suies, ces galettes, ces saletés, visuellement très repérables en mettant des gants", a-t-elle conseillé.
"C'est une usine qui produit des hydrocarbures : même s'ils ne sont pas en grande quantité, même s'ils sont très proches des seuils, ça n'est jamais bon pour la population de toucher ce genre de produits", a dit la ministre.
Elisabeth Borne a toutefois souligné qu'il n'y avait "pas de polluants anormaux dans les prélèvements effectués".
Quelque 200 pompiers sont venus à bout vendredi matin de l'incendie survenu dans la nuit de mercredi à jeudi, sans faire de victime parmi les 400 salariés de l'usine.
Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a annoncé jeudi le déclenchement du plan "Polmar" face aux risques de pollution de la Seine, dont l'usine est proche. La préfecture de Seine-Maritime a annoncé vendredi qu'un bateau allait récupérer les "galettes d’hydrocarbures" de petite taille dans le fleuve tout en précisant qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter.
Les résultats des analyses de l'air, menées sur près de 26 sites pour détecter d'éventuelles concentrations d'oxyde d'azote et de soufre, de monoxyde de carbone et d'hydrogène sulfuré notamment, sont dans leur quasi-totalité négatifs, a-t-elle dit.
"Sur l'aspect médical, il y a des inquiétudes qui ne sont pas justifiées", a estimé le préfet Pierre-André Durand, alors que de nombreux habitants se plaignent de maux de tête et ont décidé de porter un masque
Les appels au Samu ont augmenté de 50% jeudi.
Les écoles, fermées jeudi par mesure de précaution, rouvriront lundi, a dit Jean-Michel Blanquer.
"Lubrizol est le plus important accident industriel en France depuis AZF (du nom de l'usine à Toulouse théâtre d'une explosion en 2001-NDLR)", a dénoncé le secrétaire national d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) David Cormand sur Twitter (NYSE:TWTR). "Nous voulons des informations précises et régulières. Le 'Circulez il n’y a rien à voir' des autorités est inacceptable."
"A Rouen, l'explosion de l'usine Lubrizol inquiète. Les gens constatent des pluies noires. Certains disent que la fumée brûle la gorge", a renchéri le chef de file de la France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, sur Twitter. L'ONG Générations futures a réclamé "la plus grande transparence sur la nature des polluants émis."
Début 2013, du mercaptan, un gaz nauséabond toxique à fortes doses, s'était échappé de cette usine et avait pu être ressenti jusqu'en Angleterre et à Paris.
(Sophie Louet avec Marine Pennetier et Elizabeth Pineau, édité par Jean-Philippe Lefief)