PARIS (Reuters) - Ségolène Royal a regretté dimanche que la menace de la procédure prévue par l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter sans vote le projet de loi sur la réforme du code du travail ait été brandie avant même le débat parlementaire.
Invitée du Grand Débat d'Europe 1-Le Monde-iTELE, la ministre de l'Ecologie a pris ses distances avec la tension suscitée, selon la presse, par cette question entre la présidence de la République et le Premier ministre, Manuel Valls.
"C'est regrettable. On ne réforme pas bien un pays avec des tensions", a-t-elle dit. "On réforme un pays avec détermination, on réforme un pays avec imagination (...) en secouant les tabous (...), les lobbies de toute nature (...), les conservatismes."
Le projet de loi sur la réforme du marché du travail dévoilé la semaine passée a suscité une levée de boucliers des syndicats, d'une partie du Parti socialiste au pouvoir, des écologistes et du reste de la gauche.
Dans une interview accordée au quotidien économique Les Echos, la ministre du Travail, Myriam El Khomri, a dit vouloir "convaincre les parlementaires" mais a averti que le gouvernement prendrait ses "responsabilités" pour faire passer ce texte.
Un avertissement interprété comme la menace de recourir à la procédure dite du "49.3" si le gouvernement n'était pas assuré de recueillir une majorité des députés sur ce projet de loi.
La presse y a vu la main de Manuel Valls, alors que François Hollande souhaiterait donner sa chance au débat.
Pour Ségolène Royal, brandir la menace de l'article 49.3, qui impose aux députés hostiles à un projet de loi de faire tomber le gouvernement, faute de quoi le texte est réputé adopté, n'était pas la meilleure façon de lancer ce débat.
UN TEXTE À AMÉLIORER
"Ce n'est pas en commençant un débat parlementaire que l'on commence effectivement à dire, 'si vous n'êtes pas d'accord, on mettra le 49.3'", a-t-elle déclaré, tout en estimant que Myriam El Khomri avait peut-être été mal comprise.
"Il faut faire attention à tous les raccourcis, toutes les caricatures. Jamais dans son interview la ministre du Travail ne dit pas qu'elle recourra au 49.3. Elle dit, 'nous prendrons nos responsabilités'", explique Ségolène Royal. "Donc je pense que cette polémique-là doit maintenant cesser."
Elle n'en estime pas moins que le projet de loi, qui sera présenté en conseil des ministres le 9 mars, doit encore être amélioré : "On voit bien la montée des objections, on voit bien l'incompréhension derrière un certain nombre de dispositifs. Donc il faut continuer à travailler."
Le débat parlementaire doit permettre, selon la ministre de l'Ecologie, de trouver un "juste équilibre" entre "nouvelle flexibilité" pour le marché du travail et acquis sociaux.
Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a pour sa part déclaré qu'il aurait du mal à voter ce projet de loi en l'état. Il revient à la charge dans un entretien accordé au Journal du Dimanche, dans lequel il demande une réécriture du texte.
Il critique notamment "l'ajout tardif" de l'article 30 bis, qui précise en les élargissant les motifs pouvant justifier des licenciements économiques, ce qui constitue à ses yeux "une concession injustifiée au Medef."
"Finalement, c'est autant l'architecture que le contenu de ce projet de loi qu'il faut revoir", ajoute-t-il.
(Emmanuel Jarry)