par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - La victoire désormais probable de François Fillon au second tour de la primaire de la droite pour l'élection présidentielle de 2017 ouvre de nouvelles perspectives pour Emmanuel Macron face à un candidat plus conservateur que son rival Alain Juppé.
L'ancien ministre de l'Economie de François Hollande entend sortir du carcan des partis pour promouvoir un large rassemblement de "progressistes", au grand dam des formations de gauche, PS en tête.
Il a officialisé sa candidature mercredi, quatre jours avant le premier tour de la primaire de droite, alors qu'Alain Juppé, qui lui dispute l'électorat centriste, était encore le favori.
La contre-performance du maire de Bordeaux au profit de François Fillon, tenant d'une droite conservatrice dans le domaine sociétal et économiquement ultra-libérale, est a priori plutôt une bonne nouvelle pour Emmanuel Macron.
"Ça lui ouvre un espace bien plus évident que si c'était Alain Juppé qui gagnait", estime Céline Bracq, de l'institut de sondage Odoxa. "Le programme de François Fillon est un programme de droite traditionnelle, conservatrice. Quand ce programme sera mieux connu, ça lui sera plus simple de marquer sa différence."
Mais Stéphane Zumsteeg, de l'institut Ipsos, nuance : "Je ne suis sûr que ça lui ouvre un boulevard, loin de là, mais ça ne lui referme pas la porte."
L'entourage d'Emmanuel Macron reste prudent sur un effet Fillon encore difficile à mesurer.
FIN DE NON RECEVOIR
"L'offre politique de François Fillon est datée, archaïque et profondément réactionnaire", a déclaré à Reuters le député socialiste Richard Ferrand, secrétaire général d'"En Marche !", son mouvement. "Ça correspond à l'état de la droite militante mais pas à l'état d'esprit des Français."
"La probable victoire de François Fillon va mettre plus en exergue encore ce qui est porté par Emmanuel Macron face à un programme très conservateur et très dur socialement", renchérit le député PS Stéphane Travers, autre soutien de l'ex-ministre.
Pour le porte-parole d'"En Marche !", Benjamin Griveaux, réconcilier les deux droites, incarnées par Alain Juppé et François Fillon, sera en tout état de cause difficile pour le vainqueur de la primaire, quel qu'il soit.
"Ils n'ont rien en commun sur des sujets fondamentaux et sont condamnés à une synthèse bancale au soir du 27 novembre", explique-t-il. Un écueil qu'évitera selon lui Emmanuel Macron en refusant d'entrer dans le jeu de la primaire du PS.
Refus réitéré lundi par l'ancien ministre de l'économie en marge d'un déplacement en province, en réponse à un nouvel appel lancé par le premier secrétaire du PS.
Emmanuel Macron a déclaré que Nicolas Sarkozy aurait en fait été pour lui "le pire des candidat" et qu'il ne se déterminerait pas en fonction de la primaire de droite, rapporte Le Monde.
"Je vais continuer à creuser mon sillon (...) Si on a une vraie dynamique, on l'emporte quels que soient les candidats", ajoute-t-il. "Cela ne change donc rien à ma volonté de ne pas aller à la primaire de la gauche."
ÉQUATION À PLUSIEURS INCONNUES
Pour Céline Bracq, une inconnue, pour Emmanuel Macron, est l'attitude du président du MoDem, François Bayrou, qui soutient Alain Juppé et avait fait savoir qu'il se présenterait à la présidentielle si Nicolas Sarkozy gagnait la primaire de droite.
"Emmanuel Macron a lancé une OPA sur le centre. L'arrivée de Bayrou lui rendrait la tâche plus difficile", estime-t-elle.
Un proche collaborateur d'Emmanuel Macron estime cependant qu'une candidature de François Bayrou n'est plus à craindre.
"L'anti-sarkozysme qu'il pouvait incarner à droite et au centre est désormais purgé", explique-t-il. "Si Fillon gagne, Juppé aura sans doute la sagesse de se ranger derrière lui et Bayrou apparaîtrait complètement isolé. S'il veut avoir des députés, il aura aussi intérêt à s'aligner sur Fillon."
L'autre formation de centre droit, l'UDI présidée par Jean-Christophe Lagarde, laisse aussi planer le doute sur ce que sera son attitude. Mais la plus grande inconnue est l'état dans lequel la gauche elle-même abordera la présidentielle.
Pour le député socialiste Christophe Caresche, la probable victoire de François Fillon "va redonner du sens à un débat droite-gauche et il n'est pas certain que ce soit en faveur d'Emmanuel Macron", qui veut précisément dépasser ce clivage.
Reste à savoir qui représentera la gauche de gouvernement dans cet affrontement, autre inconnue de taille avec le degré de dispersion dans lequel la gauche dans son ensemble sera en 2017.
"Le problème pour Emmanuel Macron, c'est l'offre de candidats à gauche", estime ainsi Stéphane Zumsteeg.
Les partisans de l'ancien ministre de l'Economie n'en affichent pas moins la conviction qu'il a fait les bons choix.
"Actuellement, tous les pronostics sont pris en défaut. Rien ne va se passer comme prévu jusqu'au bout, ce qui nous convainc qu'il faut poursuivre sur la trajectoire que nous avons prévue", souligne l'un de ses conseillers, Sylvain Fort.
(Edité par Yves Clarisse)