PARIS (Reuters) - Le principe du regroupement des détenus islamistes dans les prisons présente plus d'inconvénients que d'avantages, estime le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), Adeline Hazan, dans un rapport publié mercredi.
Expérimenté depuis octobre 2014 à Fresnes (Val-de-Marne), le gouvernement a élargi en début d'année le programme à d'autres "unités dédiées" où les détenus radicalisés sont regroupés.
Cinq unités ont ainsi été ouvertes entre fin janvier et fin mars dans quatre établissements pénitentiaires.
Elles accueillent à ce jour 64 personnes, en région parisienne et à Lille.
En juin 2015, Adeline Hazan avait déjà émis un avis défavorable à la généralisation de cette structure expérimentale qui divise, en France comme à l'étranger.
Un an plus tard, "aucune démonstration n'a été faite du caractère apaisant de ce choix sur le reste de la détention", juge-t-elle dans un nouveau rapport, établi à la suite d'une mission menée de février à mai à Fresnes, Lille-Annoeullin (Nord), Osny (Val-d'Oise) et Fleury-Mérogis (Essonne).
Dans ces établissements, trois contrôleurs ont rencontré 61 des 64 personnes placées, sur un effectif théorique de 117 places.
Alors que le placement dans ces unités dédiées devait concerner des personnes incarcérées pour des faits de terrorisme et des détenus repérés pour leur radicalisation, leur population est "exclusivement composée de personnes écrouées 'en lien avec une entreprise terroriste'", choisies en fonction de critères peu clairs, regrette le rapport.
URVOAS A UN MOIS POUR RÉPONDRE
Les magistrats antiterroristes "continuent de s'inquiéter des effets pervers du regroupement qui permettrait de nouer des solidarités, de reconstituer des réseaux, et laisserait toute latitude aux plus forts pour faire pression sur les plus vulnérables", souligne-t-il par ailleurs.
Un aumônier musulman entendu par les contrôleurs pointe également le risque "d'héroïsation", par les autres détenus, de ceux placés en unités dédiées.
Les avocats craignent quant à eux que le placement en unité dédiée constitue une forme de "pré-jugement" avant leur passage devant un tribunal correctionnel ou une cour d'assises, rapporte Adeline Hazan.
L'affectation est en effet liée au degré supposé d'ancrage de la personne dans un processus de radicalisation, le transfert vers Lille concernant par exemple les détenus les plus "durs".
En l'absence de définition claire des programmes à mettre en oeuvre, le CGLPL souligne par ailleurs la "disparité" - voire "l'improvisation" - qui existe, d'une unité à une autre, dans la prise en charge des détenus.
Le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas a désormais un mois pour faire part de ses observations.
Mi-juin, il avait confié devant l'Assemblée nationale ne pas être en mesure de dire si le regroupement des islamistes en prison constituait à ses yeux une "bonne solution".
Les prisons françaises abritent quelque 1.400 radicaux, dont 300 qui ont "un lien avec le terrorisme", et 100 qui ont été condamnés, avait-il alors indiqué.
(Chine Labbé)