PARIS (Reuters) - La commission d'enquête parlementaire sur les attentats en France a réitéré mercredi sa volonté d'obtenir une grande réforme du renseignement sur le modèle américain, quitte à devoir attendre le prochain quinquennat.
Les membres de la mission présidée par le député Les Républicains Georges Fenech ont maintenu leur position après avoir été reçus dans la matinée par le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, qui reste hostile à une telle réforme.
"Je considère que le renseignement a véritablement dysfonctionné sur tous les attentats du mois de janvier et de novembre (2015) et que ça appelle une véritable volonté politique d'une réforme d'ampleur", a dit Georges Fenech à des journalistes.
"Ce n'est peut-être pas maintenant qu'on la fera cette réforme, puisque le quinquennat arrive à son terme. Mais il faudra bien faire ce qu'ont fait les Américains après le 11-Septembre", a-t-il ajouté.
Le président de la commission s'est néanmoins félicité du "commencement d'un vrai dialogue" avec Bernard Cazeneuve après une vive polémique la semaine dernière.
Georges Fenech, comme des familles de victimes des attentats, s'était élevé contre la "suffisance" du ministre qui s'était moqué des principales propositions du rapport.
Pour Bernard Cazeneuve, il n'y a pas eu de "failles" des services de renseignement, seulement "des dysfonctionnements" au niveau européen.
L'association "13 novembre : fraternité et vérité" avait dit attendre "autre chose de l'Etat que l'expression d'une autosatisfaction invraisemblable et intenable face au terrible bilan du terrorisme".
"GUERRE DES SERVICES"
La pression s'est accentuée sur le gouvernement avec l'annonce, mardi, du prochain dépôt de plainte contre l'Etat de plusieurs victimes jugeant que sa responsabilité et celle des services de renseignement était engagée.
La commission d'enquête parlementaire prône notamment la création d'une agence nationale de lutte antiterroriste sur le modèle américain et la création d'une Direction générale du renseignement territorial, deux points rejetés par le ministre.
En revanche, Georges Fenech a noté une "ouverture" plus grande de Bernard Cazeneuve sur d'autres préconisations de la mission.
"Il partage un certain nombre de nos analyses. Il faut renforcer le rôle du coordonnateur national du renseignement auprès du président de la République. Il n'a pas les moyens aujourd'hui d'assurer une véritable coordination", a-t-il dit.
La commission et le ministre sont également tombés d'accord sur la création de colonnes d'extraction avec des médecins dans les colonnes d'assaut sur les lieux d'attentats pour venir en aide plus rapidement aux victimes.
Selon Georges Fenech, Bernard Cazeneuve a également convenu qu'il fallait mettre fin à la "guerre des services d'intervention" entre la BRI, le Raid et le GIGN.
"Nous sommes pour une fusion de ces services et là il y a un point de désaccord. Mais l'important est que nous ayons apaisé les relations", a-t-il ajouté.
Dans une lettre adressée à Georges Fenech et au rapporteur socialiste Sébastien Pietrasanta publiée par le ministère, Bernard Cazeneuve a confirmé son opposition à la refonte des services de renseignement préconisée par le rapport, craignant qu'elle n'entraîne leur "déstabilisation".
Il écarte également la création d'une Direction générale du renseignement territorial dont il redoute qu'elle "ne relance une concurrence dommageable" avec la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).
Le ministre réaffirme son attachement à "une structure fortement charpentée autour de deux services antiterroristes puissants": l’un consacré à l’intérieur, la DGSI, l’autre à l’extérieur, la DGSE.
(Gérard Bon, édité par Sophie Louet)