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Les employés domestiques d'Amérique latine rêvent de jours meilleurs

Publié le 04/08/2016 08:29
Mis à jour le 04/08/2016 08:30
Joyce Fernades a raconté ses mésaventures comme employée domestique au Brésil sur Facebook - Sao Paulo, le 31 juillet 2016 (Photo NELSON ALMEIDA. AFP)
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Joyce Fernades a raconté ses mésaventures comme employée domestique au Brésil sur Facebook - Sao Paulo, le 31 juillet 2016 (Photo NELSON ALMEIDA. AFP)

Quand Joyce Fernandes a raconté sur Facebook (NASDAQ:FB) ses mésaventures comme employée domestique au Brésil, elle a suscité des milliers de témoignages similaires, révélateurs d'une profession encore en quête de conditions de travail dignes en Amérique latine.

"Joyce, vous avez été embauchée pour cuisiner pour ma famille et non pour vous. S'il vous plaît, amenez votre propre nourriture et vos couverts et, si possible, mangez avant nous à la table de la cuisine. C'est juste pour garder un certain ordre dans la maison", lui avait dit sa patronne.

Mi-juillet, cette femme de 31 ans vivant à Santos, près de Sao Paulo, et désormais professeure d'Histoire et rappeuse sous le nom "Preta Rara" (Négresse bizarre), a posté sur Facebook un premier récit de ses sept années d'expérience comme employée domestique, sous l'étiquette #EuEmpregadaDoméstica (Moi, employée domestique).

En quelques heures, des milliers de personnes ont cliqué "J'aime", des centaines d'internautes ont partagé son histoire. Le lendemain, Joyce a créé une page dédiée au quotidien des employées de maison.

Elle compte aujourd'hui plus de 112.000 fans et rassemble de nombreux témoignages d'abus ou maltraitance chez ces personnes chargées de cuisiner, garder les enfants ou entretenir la maison, le jardin.

"Ma grand-mère travaillait pour une dame de neuf heures du matin jusqu'à sept heures du soir au moins", y raconte un internaute, se souvenant d'un jour où elle avait dû se contenter de riz et d'"épluchures de tomates" en guise de repas.

En 2013, un rapport de l'Organisation internationale du travail (OIT) révélait que l'Amérique latine était la région employant le plus de travailleurs domestiques, qui représentaient 7,5% des salariés contre 5,6% au Moyen-Orient, 1,2% en Asie-Pacifique et 0,8% dans l'ensemble des pays développés.

- Emploi répandu -

En Amérique latine, le Brésil en compte le plus grand nombre: environ 6 millions, dont la quasi-totalité sont des femmes, selon l'Institut brésilien de la statistique (IBGE).

Par comparaison, en Union européenne, avec une population plus de deux fois supérieure, on en recense 2,5 millions selon l'OIT.

"En Amérique latine, ce ne sont pas uniquement des familles très aisées" qui ont recours à ces employées aux salaires souvent très bas, explique à l'AFP Laura Carpentier, doctorante de SciencesPo Paris et auteure d'un rapport sur le sujet.

Leur emploi plus répandu qu'ailleurs - par environ une famille sur sept selon elle - reflète "les carences de l'Etat-providence", qui fournit peu de structures d'accueil pour les enfants et personnes âgées, obligeant à employer du personnel chez soi, estime-t-elle.

Si, au Brésil, le gouvernement de gauche de Dilma Rousseff a amélioré leurs droits en 2013, en garantissant un salaire minimum et limitant les heures supplémentaires et nocturnes, dans de nombreuses familles, la façon de les traiter a un arrière-goût d'esclavage, aboli au Brésil en 1888.

Sur la page Facebook dédiée de Joyce, "le grand nombre de récits (de mauvais traitements, ndlr) représente la voix d'employées domestiques qui voulaient parler depuis longtemps mais sans avoir de canal spécifique pour le faire", confie-t-elle.

- Flou juridique -

Une employée y relate comment sa patronne s'était offusquée que la loi brésilienne améliore leurs conditions, lui disant: "Ma chérie, ce n'est pas juste qu'une employée domestique ait les mêmes droits que les secrétaires, c'est une question de justice car elles ont été mieux formées".

Ailleurs dans la région, la législation a aussi progressé: en 2014, le Chili a réduit leur journée de travail et mis fin à l'obligation de porter l'uniforme dans les lieux publics. L'Uruguay avait adopté une loi similaire dès 2006.

Mais de nombreux pays entretiennent encore un flou juridique préjudiciable à ces salariés, comme au Guatemala où l'Association des travailleurs à domicile (Atrahdom) dénonce des journées de jusqu'à 16 heures pour ces employées âgées de 8 à 70 ans.

Au Pérou, elles doivent porter l'uniforme et ont notamment l'interdiction d'aller à la plage.

"Ce métier est certainement un miroir des inégalités sociales" dans la région, souligne Alexandre Fraga, professeur à l'Université de Rio de Janeiro: "au Brésil, la majorité des employés domestiques sont des femmes, pauvres et noires".

Au Guatemala, selon l'Atrahdom, 60% sont jeunes, indigènes, souvent analphabètes.

Et si ces dernières années, "il y a eu une hausse de la rémunération des travailleurs domestiques dans de nombreux pays d'Amérique latine", selon M. Fraga, la plupart ne bénéficient toujours pas de contrat formel.

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