Alexandra Estiot 15 mars 2013 – 13-11 3 economic-research.bnpparibas.com La semaine aux Etats-Unis Vaguement précis ou précisément vague ?Les bonnes nouvelles s’accumulent, et la croissance pourrait bien avoir été très forte au premier trimestre. Mais il ne faut pas attendre pour autant de changement d’orientation de la politique monétaire.
La semaine dernière, nous nous interrogions sur notre prudence quant à la croissance américaine cette année. Les ventes de détail de février viennent à nouveau tester ce conservatisme (tout relatif au vu de la moyenne des prévisions). En effet, malgré la remontée du taux de cotisation sociale au 1er janvier, les ménages semblent maintenir leurs dépenses de consommation. En hausse de 1,1% sur le mois, les ventes de détail sont très positives, puisque leur dynamisme se retrouve, non pas seulement dans des éléments volatils (comme l’automobile), ou très dépendants de l’évolution des prix (comme les carburants), mais de façon générale. Hors automobiles, carburants, services alimentaires et matériaux de construction, leur progression était de 0,6% sur le mois, soit un taux trimestriel annualisé de 5,4%. Dans le même temps, les prix à la consommation sous-jacents n’ont progressé que de 1,9% (taux trimestriel annualisé). Hors éléments volatils et déflatées de l’indice des prix à la consommation sous-jacents, les ventes de détail accélèrent ainsi fortement entre décembre et février, de +2,2% à +3,5% (taux trimestriel annualisé sur trois mois). En résumé, la consommation des ménages semble bien accélérer et non décélérer, après une progression de 2,1% au dernier trimestre de 2012.
Le versement anticipé de primes et autres dividendes avait permis une très forte progression du revenu disponible en décembre 2012, un surcroît de liquidités qui avait été épargné. Les flux d’épargne avaient ainsi bondi de USD 313 mds (soit 2,4 points de revenu disponible) entre novembre et décembre. Entre décembre et janvier, la remontée du taux de cotisation salariale (de 4,2% à 6,2%) a conduit à augmenter ces prélèvements de USD 127 mds, contribuant à réduire le revenu des ménages, et le maintien de la consommation (en progression de 2,9% en termes réels annualisés sur trois mois) a été permis par une rechute du taux d’épargne à 2,4%.
Si nous attendions un mois de février en léger repli, les données sont venues en contre-point : la forte accélération des créations d’emplois sur le mois a ainsi été suffisante, semble-t-il, à générer les revenus et la confiance permettant une nouvelle progression de la consommation. Et l’emploi reste bien orienté, comme l’illustre la nouvelle baisse du nombre d’inscriptions à l’indemnisation du chômage au cours de la première semaine de mars, à 332 000, soit le niveau de l’automne 2007.
La croissance de l’activité pourrait ainsi avoir rebondi assez fortement au premier trimestre de 2013, puisque les données mensuelles de consommation des ménages, d’investissement en équipements et logiciels, d’accumulation des stocks et d’exportations sont toutes bien orientées, alors que la baisse massive de certaines dépenses militaires intervenue au dernier trimestre 2012 ne sera pas réitérée. En résumé, tout plaide pour une croissance forte, de l’ordre de 3% (taux trimestriel annualisé) au premier trimestre de 2013.
Après le premier trimestre, les performances sont plus incertaines, notamment du fait de l’entrée en vigueur des coupes budgétaires automatiques (sequester) au 1er mars, et ce d’autant plus que l’avenir même de ces mesures reste incertain tant que le Congrès n’a pas voté les crédits (appropriation law) qui permettront au gouvernement fédéral de fonctionner au-delà du 27 mars, date à laquelle l’actuelle loi de financement prend fin. Les effets directs sur l’emploi devraient être limités, puisque si la plupart des fonctionnaires fédéraux auront à subir des périodes de congés forcés et non-rémunérés, ils ne seront techniquement pas au chômage et devraient ainsi continuer d’être comptabilisés comme employés. Pour les salariés des Etats et collectivités locales, les effets sont plus difficiles à mesurer : ces entités subiront une baisse des subventions fédérales. Mais, par ailleurs, les finances de ces niveaux inférieurs de gouvernement s’améliorent, en lien avec la reprise conjoncturelle (les recettes sont étroitement liées aux performances du commerce de détail, notamment), ce qui pourrait leur permettre d’absorber une partie de la baisse des recettes sans répercussion trop marquée sur leurs dépenses.
C’est dans ce contexte que le comité de politique monétaire (FOMC) se réunira la semaine prochaine, réunion qui s’accompagnera de la publication des prévisions économiques de ses membres et d’une conférence de presse de son président, Ben Bernanke. Depuis la réunion de la fin janvier, les données économiques ont été plus encourageantes qu’anticipé, mais les incertitudes ne sont pas totalement levées pour autant. Il est alors assez improbable d’imaginer un changement d’orientation de politique monétaire, et le FOMC devrait ainsi annoncer des montants d’achats de titres mensuels inchangés. Au titre de la troisième vague d’assouplissement quantitatif (QE3), la Fed achète USD 40 mds de MBS et USD 45 mds de Treasuries de long-terme, rythme qui devrait être confirmé la semaine prochaine.
La conférence de presse de Ben Bernanke pourrait être bien plus intéressante que le communiqué de presse. Notamment, le sujet du ralentissement à venir des achats de titres ne manquera pas d’être abordé. Plusieurs membres du FOMC se sont exprimés sur la question, et la vice-présidente Janet L.Yellen a exposé clairement les indicateurs qu’elle surveille2. Dans le cadre d’une communication plus claire, il est ainsi assez probable de voir Ben Bernanke indiquer quelle conditions économiques conduiraient la Fed à ralentir le rythme de ses achats. Mais il s’agira également pour lui de demeurer assez vague pour ne pas se fermer toutes les portes. Un exercice compliqué, en somme...