Par Geoffrey Smith
Investing.com -- La Banque centrale européenne est sortie intacte jeudi de ce que certains craignent être les premières salves d'une nouvelle crise financière.
Lors de sa conférence de presse habituelle, la présidente Christine Lagarde s'est efforcée d'agir avec fermeté sur l'inflation tout en reconnaissant la nécessité de faire preuve de prudence face aux signes croissants de risques pour la stabilité financière, alors que la dernière année de hausse des taux dans le monde entier commence à éliminer les éléments les plus faibles du système financier.
À la fin de la conférence de presse, elle semblait avoir réussi. Ni l'euro, ni les rendements obligataires de la zone euro, ni les actions des banques n'avaient réagi de manière particulièrement violente, ce qui constitue un triomphe pour une présidente sujette aux gaffes depuis qu'elle a succédé à Mario Draghi, un communicateur plus sûr de lui. En l'espace de quelques minutes, elles ont même progressé.
Toutefois, cela était dû autant à l'évolution de la situation aux États-Unis qu'à l'habileté de Mme Lagarde : Les valeurs bancaires ont progressé de manière générale, le Wall Street Journal ayant rapporté que JPMorgan (NYSE :JPM) et d'autres banques de premier rang envisageaient de coordonner leur soutien à la First Republic Bank (NYSE :FRC), un établissement de taille moyenne que beaucoup considèrent comme le prochain domino le plus susceptible de tomber, après l'effondrement de Silicon Valley Bank, Signature Bank, et Silvergate Capital.
Auparavant, la banque avait relevé son taux officiel de 50 points de base chacun, portant ses taux de dépôt et de refinancement à 3 % et 3,5 %, leur niveau le plus élevé depuis 2008. Mais elle a renoncé à mettre en garde contre la nécessité de nouvelles hausses de taux, soulignant au contraire que le degré élevé d'incertitude créé par la récente volatilité des marchés l'obligeait à s'appuyer sur les données économiques au fur et à mesure qu'elles lui parvenaient.
Cette position "montre que le pic des taux d'intérêt pourrait être plus proche que beaucoup ne le pensent", a déclaré Carsten Brzeski, responsable mondial de la recherche macroéconomique à la banque ING (AS:INGA).
Plus subtilement, la banque a également produit une nouvelle série de prévisions d'inflation qui sont également inférieures à ce que beaucoup attendaient, ce qui permettrait à la BCE d'assouplir plus facilement sa politique monétaire si les tensions sur les marchés financiers restaient élevées et étouffaient la croissance économique.
La BCE prévoit maintenant que l'inflation ne sera en moyenne que de 2,1 % en 2025, et l'inflation de base de 2,2 % seulement, ce qui n'est pas très éloigné de son objectif à moyen terme de 2 %. Cela en a surpris plus d'un, étant donné que l'inflation de base continue de s'accélérer et que Mme Lagarde elle-même a averti que les pressions sous-jacentes sur les prix restaient "fortes", dans un contexte de prix élevés de l'énergie et de faible niveau de chômage.
"Nous considérons que ce changement est plus basé sur un pur jugement que sur des données réelles et qu'il y a toujours beaucoup d'incertitude autour des prévisions", a déclaré Jan von Gerich, analyste chez Nordea, dans une note aux clients. Il a déclaré qu'il voyait toujours la BCE procéder à "plusieurs nouvelles hausses de taux" dans le courant de l'année, même si la probabilité qu'elle procède par petites étapes s'est accrue.
Tout au long de la conférence de presse, Mme Lagarde a tenté de réfuter les suggestions selon lesquelles la BCE se coucherait et commencerait à réduire les taux dès que la volatilité du marché augmenterait, affirmant à plusieurs reprises qu'il n'y avait "pas de compromis entre la stabilité des prix et la stabilité financière".
Avec des indices d'une action plus large pour contenir la crise naissante aux États-Unis, et avec Credit Suisse (SIX :CSGN) qui a reçu une bouée de sauvetage de 54 milliards de dollars de la Banque nationale suisse (SIX :SNBN) dans la nuit de mercredi à jeudi, les marchés n'étaient pas d'humeur à tester cet engagement. Malgré tout, comme l'a déclaré M. Brzeski, "les derniers jours ont rappelé à la BCE que les prochaines étapes de la lutte contre l'inflation seront beaucoup plus difficiles que les mesures prises jusqu'à présent... Maintenant que les taux d'intérêt sont en territoire restrictif, chaque nouvelle hausse de taux augmente le risque de rupture."