L'activité économique au Japon s'est contractée moins que prévu au deuxième trimestre, mais le possible rebond s'annonce timide, de l'avis des analystes, de plus en plus sceptiques à l'égard de la politique de relance de Shinzo Abe.
"Les abenomics n'en sont qu'à la moitié du chemin", s'est défendu mardi le Premier ministre conservateur, à l'occasion de sa reconduction à la tête du Parti libéral-démocrate (PLD), affichant sa détermination à vaincre la déflation.
Durant la période d'avril à juin, le Produit intérieur brut (PIB) a reculé de 0,3% par rapport à janvier-mars, selon des données révisées publiées par le gouvernement qui avait fait état auparavant d'une baisse de 0,4%.
Le chiffre revu est supérieur aux attentes des analystes sondés par l'agence Bloomberg qui anticipaient un repli de 0,5%.
En rythme annualisé, le PIB a diminué de 1,2%, à comparer à une estimation préliminaire de -1,6%.
L'archipel, sorti de récession fin 2014, avait renoué au premier trimestre avec une croissance relativement vigoureuse (+1,1% par rapport aux trois mois précédents), mais cette embellie aura été de courte durée.
La consommation des ménages, qui compte pour quelque 60% du PIB, ne parvient toujours pas à décoller. Mal en point depuis un relèvement de TVA début avril 2014, elle a cependant fléchi moins qu'annoncé dans un premier temps (-0,7%, au lieu de -0,8%).
La variation des stocks a aussi donné un coup de pouce, mais ce phénomène cyclique risque de jouer en sens contraire si la demande ne s'accroît pas, selon des économistes.
Surtout, les investissements non résidentiels des entreprises ont été revus à la baisse (-0,9%, au lieu de -0,1%), signe de la prudence des compagnies face à une reprise jugée fragile.
Enfin, les données du commerce extérieur sont restées inchangées, avec des exportations moroses qui freinent la croissance.
- Enthousiasme non partagé -
Le gouvernement de Shinzo Abe et la Banque du Japon (BoJ), engagés dans une relance semée d'embûches, jugent ce ralentissement temporaire.
"Nous sommes en bonne voie pour enclencher un cycle économique vertueux dans tout le pays", a insisté mardi M. Abe. "Indiscutablement, l'emploi et les salaires progressent. Il nous reste à étendre la reprise à tous et à terrasser définitivement la déflation", fléau qui handicape la troisième puissance économique mondiale depuis une quinzaine d'années.
Cet enthousiasme n'a pas convaincu les investisseurs: l'indice Nikkei de la Bourse de Tokyo a chuté de 2,43% à la clôture, effaçant tous ses gains de l'année.
Certes, la contraction est moindre qu'attendu, mais "les détails ne sont guère rassurants", note Marcel Thieliant, de Capital Economics, en référence aux stocks et aux investissements en berne des firmes nippones.
En outre, les statistiques du mois de juillet, récemment publiées, témoignent de fragilités persistantes: repli de la consommation des ménages, de la production industrielle et des exportations en volume, le tout sur fond d'inflation nulle.
"Au vu des premières données du troisième trimestre, une reprise rapide ne semble pas se profiler", souligne M. Thieliant, prédisant une expansion du PIB de seulement 0,3% aux troisième et quatrième trimestres, même si la croissance devrait ensuite provisoirement s'accélérer en amont d'une seconde hausse de taxe en 2017.
Même analyse du côté de SMBC Nikko: "pour la période de juillet à septembre, l'ampleur du rebond devrait être limité". "Si la consommation des ménages ne se rétablissait pas, le gouvernement pourrait faire voter une rallonge budgétaire", estiment les économistes, évoquant une somme d'environ 2.500 milliards de yens (18,5 milliards d'euros).
D'autres misent sur un nouvel assouplissement de la banque centrale du Japon (BoJ), encore très loin de son objectif de 2% d'inflation.
Dans tous les cas, "les chances de succès des abenomics sont devenues très minces", tranchent les experts de l'institut indépendant Japan Macro Advisors. "Près de trois ans après l'avènement de cette politique, le bilan est plutôt sombre".
Sans les réformes structurelles encore dans les limbes, poursuivent-ils, "nous voyons mal comment elle pourrait survivre à la nouvelle hausse de TVA" que M. Abe a promis d'appliquer au printemps 2017 quoi qu'il arrive pour conjurer la dette.