Les chefs d’Etat et de gouvernement des 27 pays de l’Union européenne se sont réunis les 27 et 28 juin à Bruxelles pour un nouveau sommet consacré à la politique économique et financière européenne. L’enjeu majeur de ce sommet était surtout de progresser dans la mise en œuvre de l’Union bancaire. L’engagement pris il y a exactement un an lors d’un même sommet européen a, en effet, vraisemblablement marqué, avec l’annonce par M. Draghi de la création du programme d’achat de titres OMT quelques semaines plus tard, un tournant dans la résolution de la crise. Depuis, un seul accord était intervenu, permettant à la Banque centrale européenne d’exercer, probablement à partir de septembre 2014, une supervision unique et unifiée sur les plus grandes banques de la zone euro, ainsi que sur toutes celles qui recevront une assistance du Mécanisme européen de Stabilité (MES). Il devenait essentiel de ne pas laisser s’installer plus longtemps le sentiment que les décisions relatives aux autres piliers de l’Union bancaire étaient sans cesse repoussées. Au-delà des délais de mise en œuvre, l’enjeu est également que les accords conclus poussent assez loin l’intégration pour effectivement ôter aux investisseurs la crainte que les difficultés d’une ou plusieurs banques mettent en danger la solvabilité d’un Etat ou inversement.
Bail-in et résolution
Le texte finalisé cette semaine, qui doit être approuvé d’ici au printemps 2014 en vue d’une application en 2018, vise à limiter le recours au contribuable en associant aux pertes les actionnaires, mais également les créanciers et les déposants autres que les particuliers et les PME. Au côté des autres instruments de résolution que sont la cession des activités, la création d’une banque-relais, qui porterait les actifs sains, la defeasance, le renflouement interne (« Bail-in ») permet aux autorités de résolution d’effacer ou de convertir en actions certains dépôts ou créances envers un établissement défaillant. Au-delà du seuil des dépôts garantis harmonisé à 100 000 euros, l’accord du Conseil confère à certaines catégories de déposants (personnes physiques, PME, ressources apportées par laBanque européenne d’Investissement) un privilège par rapport auxautres créanciers et déposants (comme les grandes entreprises). En outre, une fois subrogé dans les droits des déposants garantis qu’il aura indemnisés, le fonds de garantie jouira également d’un rang de remboursement supérieur à celui des déposants privilégiés non garantis.
Les autorités nationales de résolution ne pourront recourir au fonds de résolution pour absorber les pertes ou recapitaliser un établissement qu’après que les premières pertes auront été couvertes par les actionnaires et créanciers à hauteur d’au moins 8% du passif. Au-delà de ce seuil, le fonds de résolution pourra être mobilisé pour un montant allant jusqu’à 5% du passif. Dans l’hypothèse où les pertes excéderaient 13% du passif, les pertes résiduelles pourront être absorbées par les créanciers et déposants non garantis et non privilégiés, avant que des sources alternatives de financement (Etat, puis MES) ne soient, en dernier recours, mobilisées.
Recapitalisations directes par le MES : possibles, mais en dernier ressort
Réunis au sein de l’Eurogroupe, les ministres des Finances de la zone euro (qui sont aussi les administrateurs du Mécanisme européen de Stabilité) s’étaient accordés dès la semaine dernière sur les conditions dans lesquelles le MES pourra à l’avenir prendre une part directe dans la recapitalisation d’un établissement en difficulté. Envisagé avec réticence par plusieurs Etats membres, le Mécanisme est clairement conçu pour n’être utilisé qu’en dernier ressort, et selon des règles strictes.
Le redressement de l’établissement concerné devra, en premier lieu,avoir mis à contribution les actionnaires et créanciers privés selon les règles précitées. Si un renflouement public reste nécessaire, l’intervention directe du MES ne pourra se faire qu’à la demande d’un Etat membre faisant valoir qu’il ne pourrait fournir seul les fonds requis sans mettre en danger la soutenabilité de ses finances publiques ou son accès au marché1. L’établissement bancaire concerné devra, en outre, être de nature systémique, et les difficultés qu’il rencontre menacer la stabilité financière de la zone. Par principe2, le MES n’interviendra que conjointement à cet Etat membre, ce qui assure que les Etats seront bien incités à limiter autant que possible le recours aux fonds publics. Afin de tenir compte, en outre, du problème des « legacy assets », la contribution minimale de l’Etat membre sera plus importante au début de la mise en œuvre du mécanisme. Elle sera au minimum de 20% du total des fonds publics injectés pendant la première année, puis de 10% la seconde, avant d’être réévaluée par les membres de l’Eurogroupe. La décision d’accorder l’assistance sera prise par accord mutuel3 des gouverneurs du MES. L’Eurogroupe n’a pas exclu une utilisation rétroactive de cet instrument (l’Espagne et l’Irlande sont clairement sur les rangs), qui n’intègrera pas, a priori, la « boite à outils » du MES avant la mise en route de la supervision unique, fin 2014. Celleci pourrait être décidée « au cas par cas ».Par rapport aux autres instruments à la disposition du MES (prêts aux Etats, achats de titres d’Etat), la prise de participation directe au capital des banques présente, toutefois, un profil a priori bien plus risqué. Pour préserver la capacité de prêt du mécanisme, ainsi que sa note de crédit (le MES emprunte sur les marchés les fonds qu’il engage) les Européens se sont entendus pour fixer, a priori, les ressources allouables à cet instrument à 60 milliards d’euros4.