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Coup de projecteur sur une industrie du cinéma en crise

Publié le 16/12/2020 11:49
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Pour le cinéma, l’année 2020 a pris l’allure d’un film catastrophe. Les salles ont dû fermer leurs guichets ou accueillir le public au compte-gouttes. Les festivals ont été annulés. Les sorties de blockbusters comme le dernier James Bond ont été reportées à 2021. Faute de spectateurs, Disney a diffusé « Mulan » directement sur sa plateforme Disney+. De fait, la pandémie n’a fait qu’accélérer les mutations qui étaient déjà en cours avec la montée en puissance du streaming et de la VoD.

La décision prise par le studio Warner Bros de sortir simultanément en 2021 ses films dans les salles et sur sa plateforme de streaming HBO Max a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le monde du cinéma. Warner Bros a justifié ce choix stratégique en estimant que les salles de cinéma resteraient désertées tant que la pandémie perdurera.  Aux Etats-Unis, des films comme « Wonder Woman 1984 », « Godzilla vs Kong », « Suicide Squad », « Dune » ou « Matrix 4 » seront donc vus dans les chaumières en même temps que dans les salles.

C’est une révolution dans la mesure où le cinéma a toujours été inséparable de sa diffusion dans les salles et de la magie du grand écran. Même si une grande quantité de films sont produits directement pour Netflix (NASDAQ:NFLX), Amazon (NASDAQ:AMZN) Prime, Apple (NASDAQ:AAPL) ou Hulu et que certains réalisateurs célèbres (Steven Soderbergh, Martin Scorsese, Spike Lee, Alfonso Cuaron) snobent le grand écran depuis des années, la sortie en salles avait traditionnellement la priorité sur les autres supports de diffusion. Mais en faisant fuir le public des salles, le coronavirus a changé la donne.

Clap de fin pour les salles de cinéma ?

Aux Etats-Unis, Cineworld, l’un des grands exploitants de multiplexes – 778 sites dans 10 pays - a fermé temporairement ses portes. AMC Entertainment, un autre grand exploitant, a menacé le studio Universal de ne plus projeter ses films parce que celui-ci se proposait de les sortir simultanément dans salles et pour le streaming. Un accord entre les deux géants a été trouvé : Universal accordera à AMC une fenêtre de 17 jours avant la diffusion sur d’autres supports. L’exploitant n’a donc plus que 3 week-ends pour faire son chiffre. Et encore, il peut s’estimer heureux.

Pour les exploitants, l’année 2020 est à marquer d’une pierre noire. Les recettes globales (ventes de billets) étaient de 42,5 milliards de dollars en 2019. Elles ne seront que de 16 milliards en 2020. Seul le marché chinois aura réussi à limiter les dégâts. Aux Etats-Unis, l’effondrement des recettes met en péril l’avenir des grands exploitants de salles, déjà lourdement endettés. Une deuxième année sous le signe de la pandémie risque de leur être fatale. Leur valeur boursière ayant lourdement chuté (-70% pour Cineworld), ils pourraient être rachetés à bas prix par des studios ou par des fonds de private equity, si ces derniers les estiment suffisamment rentables.

Par comparaison, les grands studios ont moins souffert que les exploitants, ayant davantage de solutions de rechange à leur disposition. La plupart d’entre eux ont ajourné à l’année 2021 la sortie de leurs films programmée pour 2020, comme ce fut le cas du nouveau James Bond « No Time to Die » reporté à avril 2021 ou du remake de « West Side Story » tourné par Steven Spielberg. La seule exception à cette règle fut la sortie au milieu de l’été de « Tenet » de Christopher Nolan, une initiative téméraire mais qui ne s’est pas soldée par un succès foudroyant.

Certains studios ont vendu leurs films directement aux plateformes de streaming afin de récupérer leur investissement. Universal a ainsi proposé son film d’animation « Trolls : World Tour » en primeur sous format digital et ensuite à Amazon Prime, Netflix et d’autres, ce qui n’a pas été du goût de l’exploitant de salles AMC. D’après les rumeurs, Universal aurait gagné davantage en cédant les droits de son deuxième « Trolls » aux plateformes qu’en passant le premier « Trolls » dans les salles de cinéma. Pareillement, la Paramount a vendu l’Oscarisable « The Trial of the Chicago Seven » directement à Netflix pour 56 millions de dollars alors que son budget de production était de 35 millions.

Disney, qui opère des deux côtés de la barrière puisqu’il possède à la fois un grand studio de production et une plateforme de streaming, a proposé directement « Mulan » sur sa plateforme Disney+. Ceux qui voulaient le voir en primeur ont du débourser 30 dollars, ce qui n’est finalement pas si cher pour une famille, avec ou sans le popcorn. A Noël, Disney fera de même pour « Soul », le film d’animation de sa filiale Pixar.

Le choc du coronavirus a été plus rude pour les films en plein tournage, surtout ceux pour lesquels les contrats d’assurance ne prévoyaient pas l’indemnisation en cas de pandémie. Le cinéma étant une activité de contact par excellence, sur le set ou en coulisses, – il suffit de penser au maquillage - les grosses productions ont dû recourir aux techniques digitales, expérimentées depuis longtemps dans le secteur du jeu vidéo (post-synchronisation des dialogues, prévisualisation des scènes à tourner, réalisation d’effets spéciaux en temps réel sur le set grâce aux machines Unity ou Unreal Engine).

Une complète redistribution des rôles

Si 2020 fut l’année de tous les dangers pour l’industrie du cinéma, quelques acteurs majeurs ont tiré leur épingle du jeu. Les « usual suspects » sont les plateformes de streaming, Netflix en tête, pour lesquelles le confinement fut une véritable bénédiction. Un autre gagnant est l’ogre Disney, qui maîtrise quasiment l’ensemble de la chaîne de valeur, de la production de films et de l’exploitation d’un immense catalogue à la distribution via la plateforme Disney+. Il ne lui manque qu’un réseau de salles pour compléter son offre et certains lui prêtent l’intention de racheter l’un de ces groupes au bord de la faillite. Dès lors, rien ne l’empêcherait de sortir un film en grande fanfare le premier week-end dans ses salles afin de maximiser le buzz pour enchaîner ensuite sur Disney+.

On peut mesurer la puissance de Disney quand on sait que ce groupe a engrangé 61% des profits réalisés par le secteur du cinéma à Hollywood. Il cumule les franchises, de Star Wars à l’univers Marvel, des univers en perpétuelle expansion avec leurs sequels, prequels et spin-offs. Alors que depuis 2000, le chiffre d’affaires des cinq grands studios (20th Century Fox, Paramount Pictures, Warner Bros., Universal Pictures, Columbia Pictures) n’a progressé que de 10%, celui de Disney a doublé et représente désormais 35% du marché. Et comme les franchises représentent les dix plus grosses recettes de 2019, Disney et ses Avengers ont encore de beaux jours devant eux.

Le 10 décembre, Disney a dévoilé ses projets pour la décennie à venir à l’occasion de son « Investor Day ». L’entreprise prévoit de tourner plusieurs épisodes supplémentaires de sa franchise Star Wars. Profitant du succès de sa série « The Mandalorian », elle a dans ses cartons une dizaine de mini-séries créées autour des personnages de la saga et autant de mini-séries tirées de l’univers Marvel. Comme c’est dans les vieilles casseroles qu’on fait les meilleures soupes, Harrison Ford (NYSE:F) (78 ans) sera mis à contribution pour un cinquième « Indiana Jones ». Quant à Christian Bale, il fait le grand saut en passant de l’univers DC Comics (où il incarnait Batman) à Marvel où il jouera dans un nouveau « Thor ». On prévoit aussi un prequel des « Avengers » avec Scarlet Johansson, un Black Panther 2, une suite d’«Avatar »... Bref, une machine à cash qui ne risque pas de s’épuiser de sitôt.

Les ambitions du bulldozer Disney ont beau être illimitées, il reste néanmoins un espace aux autres plateformes de streaming. Sans bénéficier d’un catalogue aussi fourni et de franchises aussi prestigieuses que celle de Disney, Netflix, peut compter sur ses 200 millions d’abonnés et se spécialise davantage dans la création de séries et la production ou le rachat de films originaux. Sa série « Le gambit de la reine » est l’un des grands succès de l’année et « Mank » de David Fincher va probablement recevoir plusieurs Oscars. D’autres plateformes, Amazon Prime, Apple TV+, HBO Max (qui appartient à ATT), Peacock, Hulu (qui appartient en partie à Disney) ont le temps de trouver leur créneau car elles sont soutenues par des entreprises qui ont les moyens de voir venir. Avec un abonnement mensuel proposé au prix d’un ticket de cinéma, elles ont des arguments pour attirer leur public. Reste à pouvoir le fidéliser sur le long terme.

Le cinéma est mort, vive le cinéma !

Si l’année du virus a rebattu les cartes en faveur des plateformes de streaming, c’est parce que le secteur était déjà amplement fragilisé. Le nombre de tickets de cinéma vendus en Amérique du Nord n’a pas progressé depuis 1995 et au Royaume-Uni, il resté identique à ce qu’il était en 2005. En Inde, royaume du Bollywood, la vente de tickets par habitant a reculé de 30% en dix ans. Il n’y a qu’en Chine que la demande a explosé.  La production de films est également en recul : il y a quinze ans, les six grands studios sortaient 20-25 grands films par an. En 2019, certains studios n’en ont produit que 9. 

L’habitude de voir un film sur un grand écran va encore perdurer mais il n’en reste pas moins qu’elle a perdu son aura dans un monde où les nouvelles générations regardent des fictions sur un smartphone. Pour rester rentables à l’avenir, les multiplexes ne passeront plus que des blockbusters, en espérant faire le plein de recettes en deux, trois week-ends, avant que les plateformes et d’autres supports ne prennent le relais. Autant dire que les productions à budget moyen, ce qu’on appelle les « films du milieu » risquent de disparaître des salles de cinéma et devront se rabattre sur d’autres supports de diffusion. Un grand nombre de ces films seront produits directement par les plateformes, obligées de renouveler leur contenu en permanence afin de fidéliser leurs abonnés.

L’inexorable montée en puissance des plateformes de streaming a des retombées sur d’autres marchés que l’américain. En France, l’un des rares pays hors Etats-Unis à disposer d’une production cinématographique importante, la concurrence de Netflix a taillé des croupières à Canal+, la principale source de financement des films français et européens. Le jour où Canal+ ne sera plus diffusé sur la TNT, elle sera libérée de ses obligations de financement à hauteur de 12,5% de ses recettes. Il s’agira dès lors de trouver d’autres sources de financement, faut de quoi le cinéma français perdra son principal ballon d’oxygène.

Fortes de millions d’abonnés en Europe, Netflix, Amazon Prime et d’autres plateformes américaines devraient en principe participer au financement de productions européennes. La directive européenne dite « Services de médias audiovisuels » (SMA) leur impose de nouvelles obligations, dont celle de compter 30% d’œuvres européennes dans leur catalogue. Le gouvernement français souhaite quant à lui que 25% du chiffre d’affaires réalisé par les plateformes sur le sol français soit investi dans les productions françaises. En contrepartie, la filière du cinéma accepterait de réduire ce qu’elle appelle la « chronologie des médias », c’est-à-dire le délai entre les sorties dans les salles et la diffusion des films sur d’autres supports. Là comme ailleurs, l’industrie du cinéma devra s’adapter pour évoluer.

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