Pierre a 32 ans, formé dans de grandes écoles de finances, il a travaillé 5 ans à Londres, a gagné « beaucoup » d’argent et trade en compte propre depuis 3 ans .
Ses 2 premières années en compte propre se passent bien, Pierre a totalement conscience des moyens dont il a besoin pour avoir un trading profitable, il a une bonne stratégie, une bonne maîtrise de ses émotions et une routine opérationnelle qui le protège de certains leviers comportementaux. Il aime travailler dans le calme, a un tempérament solitaire et n’a pas besoin de faire des performances très élevées pour vivre confortablement de son trading. Son objectif est de 2 % par mois, régulièrement , il l’atteint largement avant la fin du mois ; bref, Pierre mène une existence paisible et indépendante grâce à son talent d’analyste et à une prise de recul facile.
Mais Pierre a un grave défaut pour qui travaille en France : il est totalement incompétent pour tout ce qui est administratif et aussi… fiscal. Il ne prend pas le soin de déléguer cet aspect à un conseil avisé, son comptable ne connaît pas la législation des plus-values mobilières et bref, comme je n’y connais rien non plus, je ne vais m’attarder sur le sujet… il ne déclare pas tout, par ignorance ou cupidité, peu importe, le résultat est le même : il est rattrapé par le fisc il y a 1 an et une procédure de redressement s’amorce.
Dés le départ de la procédure, Pierre commence à connaître des ratés dans son trading.
Il dort mal, il est tendu, il est en réflexe de lutte quasiment permanent. Le couperet ne met pas longtemps à tomber : il gère moins bien son risque, augmente considérablement son objectif afin de provisionner les sommes que le fisc ne tardera à lui réclamer, il augmente son exposition, les écarts se creusent avec des journées très bonnes et d’autres catastrophiques.
Pierre entre peu à peu dans un grand 8 émotionnel, il est pris dans une escalade d’engagement.
Au bout du compte, les mois se succèdent, parfois en perte et Pierre, loin de provisionner ce que le fisc lui réclame finit par entamer son capital avec ses pertes.
Pierre a peur, il a perdu confiance en lui et en son système, il est en colère contre lui-même et contre la terre entière. Il ne parvient plus à prendre de recul, l’avenir lui paraît sombre et il ne voit pas comment il pourra sortir de cette spirale. Il ne respecte plus son système, entre dans la psychologie du quitte ou double, fait tapis et perd, perd, perd encore.
J’aimerais vous dire que cette histoire finit bien, qu’il se reprend finalement et qu’il acquiert à nouveau maîtrise et régularité, mais j’irais un peu vite en besogne, car cette histoire et en train de ce produire, au moment où j’écris.
Qu’est-ce que Pierre peut faire dans cette situation ?
1-Faire un break
Il est tellement investi, collé au problème qu’il ne voit pas avec discernement et clarté, il est submergé par les émotions , happé par ses peurs et ses angoisses qui ont pris les commandes de ses actes. Il a donc besoin de faire une pause, de se recentrer pour retrouver un comportement rationnel.
2- Être factuel
Dans sa tête, il devait payer « une fortune » au fisc. Et cette vision est évidemment fortement connotée négativement. Lorsque je lui ai demandé le montant exact, il a hésité un instant, non pas parce qu’il ne voulait pas me la dire, mais parce qu’il ne l’avait plus exactement en tête.
Cette somme représente quel pourcentage de mon capital ? Si je veux garder le même train de vie, quel pourcentage de performance vais-je devoir réaliser avec mon capital diminué ?
Cette performance est-elle atteignable ?
Si oui, comment ? Sinon, suis-je prêt à temporairement revoir mon train de vie à la baisse, ou ai-je une autre alternative ?
3- Envisager les issues possibles
Les pires, les meilleures , les plus farfelues. La question ici est la suivante :
Vers quel avenir cette situation peut-elle me porter ?
Lorsque nous avons travaillé cette question avec Pierre, il s’est aperçu que le pire qu’il envisageait n’était probable que s’il « pétait un plomb » et là où cela devient vicieux , c’est qu’envisager ce « pire » lui faisait péter les plombs justement, vous me suivez ?
Lorsqu’il a compris que sa peur accroît le danger, il a pu commencer à travailler à se débarrasser de sa peur et a démystifier la somme qu’il devrait payer au Trésor public.
4- Voir le verre à moitié plein
Quand la situation est pourrie et cela peut nous arriver à tous , je me souviens de cette phrase :
« Donne-moi la force de changer ce que je peux changer, d’accepter ce que je ne peux pas changer, et la sagesse de faire la différence »
Pierre devra payer, on ne lutte pas avec les impôts !
Les chinois ont le même mot pour « crise » et « opportunité », non pas qu’ils aient un champ lexical plus réduit que le nôtre ; mais parce qu’il perçoivent une crise comme l’occasion de se dépasser et d’explorer d’autres voix de développement.
Pierre saura-t-il transformer cette crise en opportunité ? Ce n’est pas à moi que cela appartient, et je comprends bien que c’est compliqué et douloureux. Mais compliqué n’est pas impossible, alors je lui souhaite bon courage et à bientôt !