Je me rappelle avec nostalgie l'époque de l'introduction en Bourse d'Eurodisney (PA:EDLP). J'étais encore à l'université Paris Dauphine et j'allais, entre 12h30 et 14h30, à la Bourse de Paris.
En 1989, l'IPO d'Eurodisney fut l'un des événements de l'année. Le parc de Marne-la-Vallée n'était pas encore ouvert mais les investisseurs se bousculaient pour avoir des titres. L'IPO eut lieu à 72 francs français (environ 11€ par action). Le volume était si important sur le titre qu'il y eut même des options créées sur la valeur pour permettre aux spéculateurs de trader.
Près de 28 ans après cette mise sur le marché, le titre va faire ses adieux à la cote, racheté par sa maison-mère à un cours de 2€ par titre... Oui vous avez bien lu : 2€. Remarquez, le groupe américain Walt Disney (NYSE:DIS) retire la filiale française sur une prime de quasiment 70% par rapport au dernier cours coté... Un moindre mal quand on sait que depuis 30 ans, les investisseurs qui avaient cru au groupe français ont perdu quasiment toute leur mise.
Au fil des années, les investisseurs se sont toutefois faits plus rares. Les premières années de cotation ayant échaudé les plus téméraires, lessivés par le flot de mauvaises nouvelles sur le parc à thèmes. En 2014, les investisseurs particuliers détenaient encore 44% du groupe. A l'heure où je vous parle, ils ne sont plus que 8,9%, comme décontenancés et sûrement dégoûtés par les multiples mauvaises nouvelles de la société.Et encore dans mes calculs je ne prends pas en compte l'inflation.
La dernière recapitalisation de 1 milliard d'euros en 2015 a sans doute eu raison des derniers courageux. Ils avaient survécu à la restructuration de 1994 puis à celle de 2004. Ils n'ont pu survivre à cette dernière opération.
La fréquentation s'essouffle (attentats, conditions climatiques...), le parc n'est pas rentable
Lors de l'inauguration en grande pompe du second parc en 2002 (le parc "studio"), le groupe espérait accueillir 17 millions de visiteurs par an. Ils n'étaient qu'à peine 13,5 millions en 2015.
L'équation économique devenait impossible à tenir : il fallait non seulement continuer à investir pour créer de nouvelles attractions, réinvestir pour la maintenance des attractions existantes mais également rembourser la dette. Sur le dernier exercice, la perte d'exploitation a atteint 242 M€ pour une baisse de 7% de son chiffre d'affaires.
Rendez-vous compte... Depuis sa création, le groupe n'a été rentable qu'en 2001. Plus grave encore, il est en cash flow négatif depuis 2011, à tel point que lors de son dernier communiqué Euro Disney indiquait qu'au vu de capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social, les actionnaires seraient consultés sur la poursuite des activités de la société. Un vrai risque de dépôt de bilan.
Cela dit, il ne faut pas oublier que Walt Disney se servait largement dans les caisses : la maison-mère américaine percevait ainsi 1% du chiffre d'affaires au titre du droit de gérance, 10% sur les entrées et 5% sur l'hôtellerie et le merchandising... Soit un montant annuel d'environ 70 M€.
Mais Walt Disney ne pouvait pas prendre la responsabilité de recapitaliser une nouvelle fois la filiale française, prenant le risque que les fonds présents au capital n'aient pas suivi. Il lui fallait donc reprendre la main, via cette offre généreuse d'une prime de quasiment 70% par rapport au dernier cours coté.
Une surenchère en vue ?
A priori, l'offre de retrait à 2€ a toutes les chances de réussir... mais peut-être certains actionnaires minoritaires vont-ils tenter de faire monter les enchères.
Quelques fonds rejoints par quelques actionnaires estimaient que la valeur du foncier avoisinait les 2 Mds€. Or, la capitalisation actuelle à 2€ par action ne la valorise qu'à 1,55 Md€.