Par Clément Thibault
Pour les traders du pétrole, l’année 2016 a été riche, pleine d’opportunités, d’incertitudes et même d'un certain chaos. Avec des prix du pétrole oscillant entre 26 $ et 55 $, les traders pouvaient profiter de – ou être abusés par - la situation et le manque de transparence. L’OPEP était active également, essayant à multiples reprises, et y parvenant au final, de négocier une réduction de la production à laquelle les membres du cartel finiront par adhérer, ainsi que les pays non-membres.
Le mouvement des cours du pétrole se reflète sur les marchés boursiers dans de nombreux secteurs. Mais pour les entreprises de gaz et de pétrole, l’impact a été évidemment bien plus important. L’indice S&P Oil & Gas Exploration & Production Select Industry a parfaitement reflété les fluctuations des prix du pétrole et du gaz en 2016.
ExxonMobil (NYSE:XOM) et Chevron (NYSE:CVX), deux des plus grandes entreprises pétrolières, ont également été affectées par la récente crise pétrolière, conduisant leurs titres vers le bas. Maintenant que les prix semblent se stabiliser, le secteur est un investissement plus fiable. Sur quelle entreprise faut-il donc miser ?
Chevron devrait publier ses résultats vendredi, 27 janvier avant l’ouverture des marchés, et Wall Street mise sur un BPA de 0,63 $ et 32,6 milliards de revenus.
ExxonMobil devrait publier ses résultats mardi, 31 janvier avant l’ouverture des marchés, et Wall Street mise sur un BPA de 0,71 $ et 60,6 milliards de revenus.
- Les segments
Exxon et Chevron opèrent au niveau mondial, avec des plateformes de forage et des raffineries situées aux quatre coins du monde. Exxon et Chevron, comme d’autres entreprises du secteur, partagent leurs revenus en deux segments : Upstream, sous lequel l’exploration et le forage sont des opérations classées, et Downstream, qui inclut des raffineries et le marketing des produits. Exxon engrange des bénéfices à travers un troisième segment que Chevron n’exploite pas, les opérations chimiques.
Les résultats des deux entreprises ont été impactés les neuf derniers mois. Le Upstream d’Exxon passe de 6,2 milliards de dollars lors des neuf premiers mois de 2015 à 838 millions de dollars lors des neuf premiers mois de 2016. Les bénéfices du Downstream ont également souffert, passant de 5,2 milliards de dollars à 3 milliards de dollars. La division chimique de Exxon a quant à elle crû de 3,4 milliards de dollars à 3,7 milliards de dollars.
Chevron a été davantage touché. Ses bénéfices du Upstream passent d’une perte de 600 millions de dollars lors des neuf premiers mois de 2015 à une perte de 3,4 milliards de dollars lors des neuf premiers mois de 2016. Son Downstream enregistre les mêmes pertes que Exxon, 6,5 milliards de dollars de revenus à 3 milliards de dollars en 9 mois.
Le résultat global de Chevron est à présent négatif. Les divisions d'Exxon sont toutes bénéficiaires.
2. Réserves prouvées
Les rapports de réserves de chacune des entreprises (publiés début 2016) montrent que Exxon détient 24,8 milliards de barils équivalent pétrole (bep) tandis que Chevron en détient 11,2 milliards. En prenant compte le nombre d'actions pour chaque valeur, les deux entreprises ont 5,9 bep/titre de réserves.
Toutefois, alors que Chevron a réalisé un amortissement de 2,6 milliards de dollars lors du second trimestre de 2016 –ce qu’ont fait beaucoup d’entreprises pétrolières lors de la baisse des prix du pétrole - Exxon n’a pas suivi. Le fait qu’Exxon n’ait pas pris de dette jusqu’à présent est particulier. Tellement, que le SEC a ouvert une enquête à ce sujet. Il en a résulté qu’Exxon pourrait réserver 4,6 milliards de barils de ses actifs, nuisant ainsi à son bep/titre. Ces amortissements rendront leurs rapports de fin de l’année particulièrement intéressants.
3. Niveaux de dette
Le secteur du pétrole et du gaz est à forte intensité de capital, exigeant des milliards de dépenses pour l’exploration et l’extraction. De grosses entreprises peuvent faire faillite face à une diminution des résultats. Et parce que les résultats de l’industrie sont affectés par la volatilité des prix du pétrole, ce paramètre est deux fois plus important lorsque l’on étudie les entreprises du secteur.
Exxon a 46 milliards de dollars de dette, tandis que Chevron en a 45 milliards. Toutefois, la situation d’Exxon est meilleure : elle est plus importante en termes de taille avec une capitalisation de marché de 352 milliards de dollars contre 219 milliards pour Chevron. Ces chiffres aident à comprendre deux ratio de dettes : dettes sur capitaux propres et dettes sur BAIIA (bénéfice avant intérêts, impôts, amortissement et éléments non récurrents).
Le ratio dettes sur capitaux propres montre que l’entreprise ne repose pas exclusivement sur la dette relative à la valeur de l’action. Exxon a un ratio de 0,271 tandis que Chevron a un ratio de 0,310. Les deux sont raisonnables.
Le ratio dettes sur Ebitda mesure la capacité à amortir sa dette. Exxon a un ratio de 1,4 contre 2,6 pour Chevron. Toutefois, le ratio de Chevron n’est pas considéré excessif ou dangereux.
4 - Rentabilité
Presque tous les indicateurs de rentabilité tendent vers une même conclusion : Exxon est plus efficace et une entreprise plus rentable. Rentabilité des capitaux propres ? Exxon : 5,2%, Chevron : -1%. Retour sur capital investi ? Exxon : 4,1%, Chevron : -0,78%. Rendement des actifs ? Exxon : 2,63%, Chevron : -0,57%. C’est ainsi depuis dix ans, Exxon est historiquement meilleure que Chevron .
Pour les marges, jusqu’à juin 2015, Chevron surpassait Exxon depuis près d’une décennie. Mais des prix moins importants ont affecté les marges de Chevron. Depuis la fin 2014, CVX passe d’une marge opérationnelle de 14,7% à -5,8%, et d’une marge de bénéfice de 8,9% à -1,34%. Les marges opérationnelle et de bénéfice de XOM sont passés respectivement de 12,5% à 4,5% et de 7,8% à 3,9%.
Conclusion
Les deux entreprises sont stables. Ce sont deux acteurs majeurs de l’industrie. Leur management est compétent, les opportunités sont saisies à travers des acquisitions stratégiques, et rien n’est pour l’instant inquiétant. Les deux entreprises valorisent leurs programmes de dividendes et offres des rendements attrayants (3,7% pour CVX et 3,5% pour XOM).
Sur papier, Exxon semble être un choix plus sûr. Seul problème : la revalorisation des actions.
Le titre d’Exxon s’est échangé entre 80 $ et 90 $ depuis près de dix ans. Tandis que l’entreprise passe par des hauts et des bas, offrant de bons retours pour ceux qui ont profité de la volatilité, mais les actionnaires n’ont pas été rémunérés correctement depuis dix ans. Le prix de l’action progresse au-dessus de 95 $ mais n’y reste jamais plus que quelques mois.
Les perspectives de Chevron sont meilleures, et s’est bien repris après la chute des prix du pétrole. Puisqu’elle ne détient pas d’activité chimique comme Exxon, elle ne possède pas de pilier auquel se raccrocher. Exxon a probablement mieux performé que Chevron lorsque les prix du pétrole étaient au plus bas, mais la diversification d’Exxon l’empêche de croître correctement.
Nous pensons qu’avec la progression des prix du pétrole, Chevron remontera. Exxon est probablement un choix plus sûr, mais vu les récentes conditions du marché des matières premières, et la façon dont le marchés boursiers valorisent les titres en fonction de leur potentiel de croissance, Chevron pourrait être un meilleur investissement.