La livre turque a rebondi mardi par rapport à son plus bas niveau lundi et a ccentué cette remontée ce mercredi, mais la crise est loin d’être terminée. La baisse de l'USD/TRY de plus de 40% depuis le début de l'année a de plus des conséquences sur les autres devises des marchés émergents, ainsi que l'Euro. La monnaie turque s’est raffermie jusqu'à passer sous les 6.0000 aujourd'hui, après avoir atteint 7,13 lundi.
La banque centrale turque a finalement réagi à la crise en fournissant des liquidités et en remontant le taux de refinancement à court terme. La banque centrale cherche à éviter une hausse du taux de financement de référence de 17,75%, conformément à l'aversion du président Tayyip Erdogan pour les taux élevés. Au lieu de cela, il fournit des liquidités au taux à un jour de 19,25%. La banque centrale a également réduit les réserves obligatoires, libérant 10 milliards de livres (6 milliards de dollars) et 3 milliards de dollars de liquidités en or.
Mais le problème dépasse les frontières de la Turquie, puisque la chute spectaculaire de la monnaie turque s’est propagée bien au-delà du pays. La roupie indienne et le rand sud-africain en particulier, ont été touchés par la fuite des investisseurs des devises des marchés émergents. Même l'euro a été affecté en raison des craintes liées à l'exposition des banques européennes aux emprunteurs turcs, qui auront désormais beaucoup plus de difficultés à rembourser leurs prêts en devises étrangères compte tenu de la baisse de la monnaie nationale. La dette des entreprises turques représente en effet 70% du PIB, dont 35% en devises.
Cette semaine, l’Euro a par ailleurs marqué de nouveaux creux annuels à 1.1309 en raison des banques espagnoles, françaises et italiennes qui affichent toutes des milliards de dollars d'exposition.
L’indépendance de la Banque Centrale remise en Question
Une question clé pour les investisseurs est de savoir à quel point la banque centrale peut conserver son indépendance. La réélection d'Erdogan en juin, avec des pouvoirs élargis, a renforcé ses tendances autoritaires, et notamment son désir de contrôler la politique monétaire.
La chancelière allemande Angela Merkel a exhorté Erdogan cette semaine à respecter l'indépendance de la banque centrale. Sa voix compte beaucoup, non seulement parce qu'elle est le leader politique de facto de l'Europe, mais aussi à cause de la grande population turque de l'Allemagne et de ses liens étroits en termes d'échanges commerciaux et d'investissements.
Le président turc a besoin d'alliés comme Mme Merkel dans son affrontement actuel avec le président américain Donald Trump à propos de la détention d'un pasteur américain en Turquie. Rappelons en effet que Trump a imposé des droits de douane punitifs sur l'acier et l'aluminium turcs, manifestement en réaction à la baisse de la devise, mais aussi en guise de mesure répréssive face à la détention du pasteur américain.
Focus sur l'inflation
Les investisseurs doivent également tenir compte de l’inflation turque, qui dépasse maintenant les 15%. Le marché souhaiterais voir la banque centrale augmente les taux d’intérêt pour ralentir la surchauffe de l’économie. Erdogan, cependant, veut conserver une certaine souplesse monétaire pour promouvoir la croissance. En attendant, la Turquie accuse un énorme déficit du compte courant et ses coûts d'emprunt augmentent de façon exponentielle.
Et tant que la banque centrale se sentira liée par la question des taux d’intérêt, elle ne pourra pas faire grand chose pour rassurer les investisseurs étrangers et contrôler l'inflation.
Dans un autre registre, Trump et Erdogan doivent trouver un moyen de sortir de la situation difficile des relations entre la Turquie et les USA, après récente surenchère de tarifs douaniers des deux côtés.