Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Sujet de préoccupation important (voire principal) des investisseurs cet été, la crise turque n’est évidemment pas terminée. Pour autant, et même si les tensions restent vives avec les Etats-Unis, une avancée majeure et à la portée symbolique très forte a peut-être eu lieu hier.
Prenant le contrepied du tout-puissant président Recep Tayyip Erdogan, hostile à une hausse des taux pour des motifs quelque peu abscons, et peut-être soucieuse de marquer son indépendance, la Banque centrale turque (CBRT) a en effet décidé de relever son principal taux directeur. L’objectif est connu : juguler la baisse de la livre turque.
Pour ce faire, l’institution n’a pas fait dans la demi-mesure, procédant à une hausse de 625 points de base pour porter son taux directeur de 17,75 à 24%. La devise a rebondi dans la foulée de 6% face au dollar… avant de céder une partie du terrain précieusement gagné, Recep Tayyip Erdogan ayant réitéré publiquement ses « réserves » (le terme « aversion » eut sans doute été plus approprié) à l’endroit des taux d’intérêts.
Outre l’effondrement de la livre turque, l’inflation continue de progresser (+13% en juin, +15,4% en juillet et +17,9% le mois dernier) et la dette atteint des niveaux hallucinants face au PIB, comme Jérôme Revillier vous l’expliquait il y a deux semaines. Bref, la maison brûle sous les yeux ébahis – à moins qu’il ne regarde ailleurs – d’un président aussi redouté que dépassé.
Un antagonisme profond
Une situation dramatique face à laquelle la CBRT estime qu’elle doit soigner sa communication et afficher sa détermination. Consciente des enjeux, elle a spécifié dans son communiqué qu’elle « utiliserait tous les leviers disponibles pour assurer la stabilité des prix ». De quoi là aussi soulager les marchés.
Il reste qu’Ankara et la Banque centrale turque ne tirent pas dans le même sens et que leurs désaccords de fond risquent fort de « nourrir » la crise. De même, la CBRT ne pourra pas résoudre seule le problème du creusement du déficit courant structurel et il n’y aura sans doute pas grand-chose à espérer tant que les très caractériels Donald Trump et Recep Tayyip Erdogan conditionneront la fin de leur différend à la satisfaction de leur ego…
A propos du président américain, il ne nous a pas échappé que, malgré les tweets incendiaires, il n’a toujours pas lancé l’artillerie lourde contre Pékin. Fourbit-il ses armes ? Est-il en train de lâcher du lest ? Mon confrère Philippe Béchade suit le dossier de près et a sa petite idée sur la question. D’une manière générale, ses chroniques sans fard sont un outil précieux pour mieux comprendre les actualités géopolitique et politique… et leurs incidences sur le marché. Si vous souhaitez les découvrir, découvrez la lettre Béchade Confidentiel !