Janet Yellen a fréquemment repris à son compte le sentiment d’une amélioration du marché de l’emploi ; mais elle se montre beaucoup moins disserte quant à l’envolée de +31,5% des ventes de logements neufs sur 12 mois. Et pour cause : si elle devait dévoiler la typologie des acheteurs, tout le monde verrait que l’argent déversé par la Fed profite encore et toujours aux mêmes qui s’enrichissent avec les plus-values obligataires et qui captent l’essentiel des dividendes distribués… y compris par des entreprises qui voient fondre leurs bénéfices mais qui augmentent leurs dividendes pour s’assurer la fidélité de leurs actionnaires (cf. Shell (AS:RDSa) et BP (LON:BP)).
Pour distribuer de l’argent qu’elles ne gagnent pas, de nombreuses firmes succombent à la tentation de l’endettement (l’argent gratuit, ça ne coûte rien… jusqu’au jour où la trésorerie manque) et à la réduction drastique de leurs investissements (après avoir passé leurs effectifs salariés à la paille de fer).
La chute des investissements, c’est le véritable canari dans la mine d’une violente crise à venir: les entreprises ne croient pas dans l’avenir, redoutent ou anticipent une paupérisation de la clientèle solvable. Cette absence d’investissement se traduit de façon criante par une dégradation de la productivité aux Etats-Unis (-0,5% en regard d’une croissance révisée de +1,2% à +1,1% au 2ème trimestre 2016).
De nombreux chefs d’entreprises et conjoncturistes expliquent que la masse salariale pèse sur les marges. C’est normal puisque c’est le signe que les compressions d’effectifs ont atteint l’ultime limite du processus engagé fin 2008. Il existe quelques exceptions à l’érosion des marges avec des firmes à la pointe de l’automatisation (Amazon (NASDAQ:AMZN)) ou de l’optimisation fiscale (Google (NASDAQ:GOOGL))… mais Apple (NASDAQ:AAPL) commence à souffrir de la concurrence (et de l’inventivité) chinoise ou coréenne, et se retrouve dans le collimateur des Etats qui ne supportent plus de voir ces firmes accumuler des dizaines de milliards de bénéfices pour ne verser que quelques pièces jaunes au fisc.
La conjoncture interne aux Etats-Unis est donc loin d’être idéale (une fois évacuée la fiction statistique du plein emploi) et la Fed doit tenir compte de la conjoncture internationale, avec des pressions déflationnistes qui se renforcent au Japon (CPI à -0,4% en juillet en rythme annuel, aucune chance de voir les prix repasser positifs d’ici fin 2016), et une chute de la demande en provenance des émergents (Brésil, Russie, Mexique, Turquie, pays producteurs de pétrole, etc.).
Or une nouvelle hausse de taux renforcerait le billet vert et compliquerait encore la situation dans les nombreux pays émergents endettés en Dollar. ET ça, Janet Yellen le sait.