Stimulus monétaire
Le bilan conjoncturel de la semaine est mitigé. Côté activité tout d’abord, les ventes au détail ont reculé de 0,3% au mois d’octobre, subissant un contrecoup sérieux après trois mois de hausse de suite, d’environ 1% chacune. La baisse d’octobre s’en trouve pour une part relativisée mais pour une part seulement. Car le recul apparaît d’autant plus marqué et les détails du chiffre enfoncent le clou. En effet, la baisse n’est pas limitée aux ventes de voitures : l’ameublement, l’électronique, le matériel de construction accusent aussi un net repli. Et le chiffre total est artificiellement soutenu par les recettes des stations-service. Côté production industrielle, ce n’est pas mieux puisqu’elle recule aussi, de 0,4%, sous le coup d’une baisse de 0,9% de la production manufacturière. Si une nette révision en hausse de l’estimation de la croissance au troisième trimestre se profile (vers les 3% en rythme annualisé au lieu des 2% initiaux), le quatrième trimestre démarre, lui, du mauvais pied.
Et les enquêtes publiées cette semaine ne sont pas vraiment engageantes. Le moral des PME s’est légèrement redressé en octobre d’après l’enquête de la NFIB, suivant la petite hausse de l’indice ISM dans le secteur manufacturier (à 51,7) et celle, plus notable, de la confiance des consommateurs. Il retrouve son plus haut niveau depuis mai. Cependant, les premières enquêtes régionales sur le climat des affaires dans le secteur manufacturier à la mi-novembre sont divisées. L’enquête de la Fed de New York enregistre un très léger mieux et remonte de -6,2 à -5,2. Mais l’enquête de la Fed de Philadelphie accuse une forte chute (de +5,7 à -10,7), la région ayant été l’une des plus durement frappées par la tempête Sandy. La forte hausse des nouvelles inscriptions hebdomadaires au chômage pour la première semaine de novembre (+78k à 439k) en porte aussi la trace.
Côté inflation, les chiffres d’octobre sont rassurants. L’inflation totale accélère certes légèrement de 2% à 2,2% en glissement annuel mais la faute en incombe surtout à un effet de base défavorable. Sur le mois, la hausse des prix se limite à 0,1% (après deux fois +0,6%). La sécheresse de cet été n’a pas d’effet évident sur les prix alimentaires (en hausse de 1,7% sur un an et de 2% sur les trois derniers mois en rythme annualisé) et c’est tant mieux, ceux-ci constituant tout de même 14% du panier de l’indice. Enfin, l’inflation sous-jacente reste stable à 2%, un rythme confortable (c’est l’objectif de la Fed) et qui devrait le rester tout au long de 2013 en l’absence de pressions salariales.
Dans ce contexte (croissance à la peine, inflation sous contrôle), le biais ultra-accommodant de la politique monétaire reste tout justifié et les discussions portent sur la prochaine étape et comment continuer à stimuler l’économie. Lors du FOMC des 11-12 décembre, la Fed devrait ainsi décider de poursuivre ses achats de titres longs (au rythme actuel de USD 85 milliards par mois) pour prendre le relais de l’opération Twist arrivant à expiration. Et dans les premiers mois de 2013, elle devrait annoncer de nouvelles modifications de sa communication. Les minutes du FOMC d’octobre montrent que le débat est en cours mais qu’un consensus reste à trouver. La réflexion porte en particulier sur la forward guidance. Aujourd’hui, la Fed pense justifié de maintenir les Fed funds à un niveau exceptionnellement bas jusqu’à la mi-2015 au moins. La date est explicite (même si elle n’est pas figée puisqu’elle a déjà été reportée de six mois) mais pas les conditions économiques sous-jacentes. La question porte sur leur explicitation en lieu et place ou en complément de la date. Il s’agit pour la Fed de clarifier encore ses intentions, de lever autant que faire se peut toute incertitude, pour que la première hausse de taux soit parfaitement anticipée et, d’ici là, accroître le stimulus monétaire par la seule force des mots.
Mur budgétaire : les manoeuvres d’évitement ont commencé
On sait que, faute d’accord budgétaire au Congrès, quelque USD 600 milliards de hausses d’impôts et coupes dans les dépenses interviendront automatiquement après le 1 er janvier 2013. Un « mur » de 4 points de PIB contre lequel la reprise se briserait et vers lequel aucun homme politique responsable ne souhaite diriger les Etats-Unis, qu’il soit républicain ou démocrate. Les négociations entre les deux camps ont donc commencé. Elles ont des chances raisonnables d’aboutir. Les discussions portent sur la façon dont l’Etat fédéral va s’y prendre pour réduire les déficits et endettement les plus importants de son histoire (du moins en temps de paix, respectivement USD 1.090 milliards et USD 16.300 milliards, soit 8% et 108% du PIB).
Sans surprise, les républicains plaident pour des coupes dans les dépenses tandis que le président Obama met l’accent sur l’accroissement des recettes (+ USD 1.600 milliards sur dix ans), via notamment l’imposition des plus riches. Une ligne de fracture historique, mais qui semble évoluer. John Boehner, le porte-parole (républicain) de la Chambre des représentants a confirmé la présence du volet « recettes » sur la table des négociations. Glenn Hubbard, un économiste influent et ancien conseiller du candidat Mitt Romney à la présidentielle, indiquait cette semaine dans les colonnes du Financial Times que des prélèvements sur les hauts revenus - qui passeraient non pas par une hausse du taux marginal d’imposition mais par une limitation des « niches » - devaient constituer la première étape d’un compromis budgétaire. En attendant d’y parvenir, un accord a minima pourrait être conclu qui maintiendrait le statu quo en 2013 et permettrait un relèvement du plafond de la dette.
Jean-Luc PROUTAT , Hélène BAUDCHON