Le 8 décembre, Mario Monti annonçait sa décision de démissionner du poste de Premier ministre une fois le budget 2013 approuvé, probablement avant Noël. Une décision qui faisait suite aux vives critiques à l’égard de son administration, exprimées par le parti de centre droit, le Peuple de la Liberté (PdL), l’une des principales formations ayant soutenu jusque-là le gouvernement mais lui retirant de facto son soutien. M. Berlusconi, leader du PdL et ancien Premier ministre, avait annoncé quelques jours plus tôt son intention de briguer de nouveau la tête du gouvernement lors des élections en 2013.
La réapparition des tensions politiques était d’autant moins attendue que le Président Giorgio Napolitano avait réussi, ces dernières semaines, à rétablir le calme. D’un point de vue électoral, la décision du PdL peut sembler judicieuse. Sauf dissolution anticipée, la législature actuelle prendra fin au début du mois d’avril 2013. A quelques mois des législatives, les partis en baisse dans Les sondages (le PdL était de ceux-là) risquent de manquer de temps pour regagner la popularité perdue. Adoptant une posture quelque peu populiste, Silvio Berlusconi a voulu prendre ses distances par rapport au gouvernement Monti et surfer sur la vague du mécontentement provoquée par la cure de rigueur.
Par ailleurs, la tenue d’élections législatives anticipées pourrait permettre au PdL de tirer son épingle du jeu. En février, en effet, d’importantes élections régionales auront lieu dans le Lazio (Rome) et en Lombardie (Milan), où les administrations de centre-droit ont été laminées après l’éclatement de scandales de corruption et malversations. Un revers lors de ces élections régionales pourrait avoir des conséquences néfastes pour les formations se présentant aux législatives quelques semaines plus tard.
Les marchés n’apprécient guère l’instabilité politique et l’incertitude. Lundi, la Bourse italienne cédait près de 3 % tandis que le rendement des obligations italiennes à 10 ans augmentait d’environ 30 pdb. Les marchés s’interrogent sur la détermination de l’Italie à mettre en œuvre toutes les mesures adoptées par le gouvernement Monti et qui ont contribué à restaurer la crédibilité du pays. M : Monti est parvenu à sortir l’Italie du cercle vicieux hausse des taux
d’intérêt -activité déprimée -accroissement des ratios de dette. Les mesures adoptées par son gouvernement et les actions au niveau de l’UE ont porté leurs fruits. Depuis mars 2012, les taux d’intérêt ont considérablement baissé et la détention de dette italienne par les non-résidents a légèrement augmenté.
La campagne électorale promet d’être passionnée. Les marchés financiers craignent donc qu’à l’issue du scrutin aucun camp ne se détache clairement pour conduire l’Italie sur la voie indiquée par M. Monti. Toutefois, des élections anticipées ne sont pas nécessairement une mauvaise chose. Tout d’abord, avancer d’un mois le scrutin (la mi-février figurant parmi les dates possibles) ne change pas fondamentalement la situation. La majorité qui apporte actuellement son soutien à M. Monti est particulièrement hétérogène et, au cours des derniers mois, le gouvernement a donc eu beaucoup de mal à faire appliquer sa politique. Des élections anticipées pourraient permettre d’y voir plus clair. De plus, il existe un consensus général dans l’opinion publique et la
classe politique sur ce dont l’Italie a besoin. Les mesures d’ajustement, quoique difficiles, ont été pour l’essentiel adoptées sans provoquer de tensions sociales comme dans d’autres pays.
Les prochaines élections devraient, en outre, permettre l’émergence d’une solide majorité market-friendly. Le Parti démocrate (centre gauche), emmené par Pier Luigi Bersani, ancien ministre du Développement sous le Gouvernement Prodi en 2006 qui avait lancé le processus de libéralisation de nombreux services, est confortablement en tête dans les intentions de vote. Il devrait être en mesure de former une solide majorité avec le parti SEL (Gauche, écologie et liberté) aux deux chambres du Parlement.
Certains partis font pression sur M. Monti pour qu’il se porte candidat au poste de Premier ministre de manière à poursuivre l’expérience technocratique engagée. Il serait toutefois préférable pour l’Italie qu’une majorité politique claire se dégage des urnes, apportant ainsi la preuve aux marchés et à la communauté internationale que la situation d’urgence, qui avait conduit au pouvoir une équipe de technocrates non élus, est révolue. M. Monti ne disparaîtra probablement pas de la vie politique italienne dans les prochains mois. En effet, sa candidature à la présidence de la République est envisagée, en remplacement de M. Napolitano (dont le mandat arrive à son terme). Autre possibilité : la nomination de M. Monti au poste de ministre des Finances. Enfin, les positions populistes hostiles à la politique d’austérité ne rencontrent pas l’écho espéré. Le « Cavaliere » a été vivement critiqué au plan interne mais aussi par la communauté internationale au point qu’il commence à faire machine arrière.
En résumé, la décision inattendue de M. Monti de présenter sa démission a provoqué la nervosité des marchés, qui s’interrogent désormais sur la capacité et la détermination de l’Italie à poursuivre sur la voie des réformes. Cependant, des élections anticipées pourraient être aussi une bonne chose. L’action
politique du gouvernement Monti était en effet freinée, sinon bloquée, par l’hétérogénéité de la coalition censée le soutenir. D’après les dernières enquêtes d’opinion, les prochaines élections législatives pourraient permettre l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement favorable à la poursuite des réformes, s’appuyant sur une majorité confortable aux deux chambres du Parlement.