
Merci d'essayer une autre recherche
Discours de Christian Noyer, Gouverneur de la Banque de France
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Gouverneur,
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
C’est un grand honneur et un vrai plaisir pour moi de participer à vos côtés à ce déjeunercauserie.
Je tiens à remercier le Forum économique international des Amériques ainsi que son
Président pour l’organisation de cette conférence de Montréal qui s’est imposée, depuis 18
ans maintenant, comme un évènement économique majeur au plan international.
Je voudrais profiter de cette occasion pour vous faire part de mon analyse de la situation en
zone euro, des défis qu’il nous faut relever et des solutions qui s’offrent à nous.
Avant cela, je crois qu’il est utile de dire quelques mots sur la situation économique
internationale.
Au niveau mondial, la croissance devrait ralentir légèrement en 2012 par rapport à 2011,
notamment du fait du ralentissement en Europe et un peu aussi dans les pays émergents, en
particulier en Chine. Les États-Unis connaissent une reprise relativement dynamique, mais
sont confrontés à de nombreux défis, aux niveaux budgétaire et immobilier notamment.
Dans l’ensemble, - et c’est une des choses que la crise a rappelées avec une grande acuité
depuis 2008 – les différentes zones économiques du monde sont très étroitement
interconnectées; les problèmes finissent par être partagés et donc certaines solutions ne
peuvent être trouvées qu’à l’échelle internationale. C’est la raison pour laquelle le G20 a pris
une ampleur nouvelle depuis 2008.
Il faut aujourd’hui continuer à avancer dans la voie de la coopération internationale, en
particulier pour identifier et résorber les sources de déséquilibres macroéconomiques au
moyen du « cadre pour une croissance forte, durable et équilibrée » et pour améliorer la
régulation financière internationale. Dans ce dernier domaine, il est primordial de toujours 2
conserver à l’esprit le double objectif qui nous anime : renforcer la stabilité financière tout en
préservant le financement de l’économie.
Je voudrais à présent centrer mon propos sur la situation en zone euro.
Comme vous le savez, en 2011, la crise des dettes souveraines en zone euro a été
particulièrement violente, se propageant à des pays aux fondamentaux économiques sains.
Les trois premiers mois de 2012 avaient montré quelques signes d’amélioration, notamment
dus aux initiatives de l’Eurosystème et aux impulsions politiques positives : la pression sur les
dettes souveraines s’était un peu apaisée, le financement bancaire s’était amélioré, de même
que le fonctionnement des marchés monétaires.
Depuis le mois d’avril, la tendance s’est à nouveau inversée et les tensions, notamment sur
les dettes souveraines et les banques, se sont à nouveau accrues. Deux facteurs en particulier
expliquent ce mouvement : les difficultés budgétaires et bancaires de l’Espagne – difficultés
auxquelles le plan adopté ce week-end devrait répondre efficacement - et, surtout, les grandes
incertitudes politiques en Grèce.
Par conséquent, un sérieux travail est requis sur plusieurs fronts si l’on veut que l’Europe
trouve une solution durable à la crise.
D’abord, le défi auquel la plupart des pays de la zone euro sont confrontés consiste
évidemment à réaliser un redressement budgétaire crédible tout en assurant la croissance à
long terme. De mon point de vue, il n’existe aucune contradiction entre ces deux objectifs. Ils
sont au contraire complémentaires.
Les efforts accomplis par la zone euro sur le plan budgétaire commencent à porter leurs
fruits : non seulement le niveau absolu du déficit de la zone euro est deux fois plus bas
qu’ailleurs, mais le rythme du redressement budgétaire y est également beaucoup plus rapide.
Cela représente évidemment à l’heure actuelle un atout pour nous et c’est un facteur de
confiance à la fois pour les marchés et pour les agents économiques, qu’il convient de
renforcer davantage. Dans le même temps, les pays de la zone doivent créer les conditions
d’une croissance solide et soutenable en adoptant des réformes structurelles fortes. Là encore,
les progrès déjà réalisés dans de nombreux pays sont impressionnants mais ils doivent être
poursuivis, notamment en ce qui concerne les marchés du travail, des biens et des services.
Au-delà de ces efforts au niveau national, je pense sincèrement que la véritable nécessité pour
la zone euro à l’heure actuelle, c’est de progresser vers une union économique et financière
plus cohérente et plus intégrée.
En effet, la crise a clairement mis en évidence un certain nombre de faiblesses dans le
fonctionnement de la zone euro, nourrissant ainsi les inquiétudes.
En premier lieu, le mécanisme de discipline budgétaire fondé sur la pression par les pairs, mis
en place par le Pacte de stabilité et de croissance, s’est avéré faible. En deuxième lieu, la zone
euro ne s’est pas dotée dès le départ d’un instrument permettant de surveiller l’évolution de la
compétitivité. Enfin, elle n’avait pas mis en place de mécanisme de gestion des crises avant le
début de la crise.
Je pense que des décisions importantes ont été prises sur ces trois points et qu’elles devraient
entraîner des améliorations importantes si elles sont intégralement mises en œuvre :
L’Europe a largement renforcé son cadre de discipline budgétaire. Le paquet législatif
(appelé six-pack), entré en vigueur en décembre, renforce considérablement le Pacte
de stabilité et de croissance : les pouvoirs de surveillance de la Commission
européenne sur les budgets nationaux ont été accrus, les sanctions sont à présent
quasiautomatiques, les critères de dette publique et de dépenses publiques font l’objet d’un
suivi plus attentif et un nouveau cadre de surveillance des déséquilibres
macroéconomiques et de l’évolution de la compétitivité a été adopté. En outre,
25 chefs d’État ou de gouvernement européens ont signé le Traité sur la stabilité, la
coordination et la gouvernance qui met en place un nouveau « pacte budgétaire »,
comportant l’exigence que le déficit public structurel annuel ne dépasse pas 0,5 % du
PIB. Ces nouvelles règles doivent maintenant être intégralement mises en œuvre par
chaque pays.
Par ailleurs, l’Europe s’est dotée d’un instrument de lutte contre les crises. Lors des
dernières réunions du Conseil européen, il a été décidé d’avancer l’entrée en vigueur
du Mécanisme européen de stabilité (MES), structure permanente appelée à être
opérationnelle en juillet 2012, et d’augmenter ses moyens, en portant sa capacité de
prêt à 1 000 milliards de dollars. Il est absolument nécessaire que ce puissant outil
devienne pleinement opérationnel dès que possible.
Je pense qu’il y a un autre facteur très important qui explique pourquoi la crise frappe si
durement la zone euro : c’est le fait que nous sommes une zone économique très intégrée
financièrement, sans pour autant avoir de mécanismes institutionnels pour accompagner cette
intégration. Ceci explique notamment les effets de contagion et les cercles vicieux entre
banques et États, qui ont largement amplifié les difficultés de la zone.
À l’évidence, un fonctionnement harmonieux et cohérent du secteur bancaire est absolument
essentiel à une solution globale à la crise de la zone euro. Cette conviction repose sur deux
observations fondamentales :
un financement approprié est indispensable pour que nos économies connaissent une
croissance forte et durable. En Europe, le système bancaire est la principale source de
financement, et sa solidité revêt par conséquent une importance cruciale. Toutefois, les
marchés financiers jouent naturellement aussi un rôle essentiel et ils doivent avant tout
servir l’économie.
Par ailleurs, la stabilité financière est essentielle, et pas seulement pour créer les
conditions propices à un financement approprié de l’économie. Elle est également un
atout inestimable pour favoriser la confiance, qui a cruellement fait défaut ces
dernières années et qui constitue une autre condition clé pour la croissance. C’est
également une condition indispensable à l’efficacité de la politique monétaire, car elle
permet un fonctionnement normal des mécanismes de transmission monétaire. De
plus, compte tenu des interactions entre banques et emprunteurs souverains et de
l’incidence potentielle d’une crise financière sur la situation budgétaire d’un pays, la
stabilité financière apporte une contribution majeure à la stabilité budgétaire.
Un fonctionnement harmonieux du secteur bancaire apparaît donc clairement comme un
élément essentiel pour résoudre les problèmes de l’Europe. En tant que banquier central et
superviseur, je vois trois outils majeurs susceptibles de contribuer à garantir un financement
approprié de l’économie et la stabilité financière, qui sont des conditions financières
essentielles à une croissance durable.
1. La régulation et la surveillance financières doivent être pensées avec ces deux exigences en
tête : renforcer le secteur financier et continuer à garantir un financement approprié de
l’économie. Évidemment, après la crise financière de 2008, la priorité la plus urgente était de
rétablir la stabilité financière et de renforcer la résistance aux chocs financiers. Mais dans le
processus de mise en œuvre des nouvelles règles de Bâle 3, nous devons accorder la plus
grande attention à leurs conséquences potentielles pour le financement de l’économie, compte
tenu notamment d’un calendrier beaucoup plus serré. En particulier, les nouvelles règles
relatives à la liquidité doivent être ajustées. De plus, il faut à présent aller beaucoup plus loin
s’agissant du shadow banking.
2. Depuis le début de la crise, l’Eurosystème a constamment apporté au système bancaire tout
le soutien possible, dans les limites de son mandat, pour l’aider à surmonter ses difficultés.
Par exemple, les deux opérations principales de refinancement à plus long terme avaient pour
objet d’atténuer les tensions sur le financement afin de permettre aux banques de s’adapter
plus facilement aux nouvelles règles et à un environnement difficile. Elles visaient
simultanément à éviter une contraction du crédit importante qui aurait pu compromettre à la
fois le financement de l’économie et le maintien de la stabilité des prix dans la zone euro.
Nous continuerons à poursuivre ces objectifs, sans rien concéder sur notre mission première
ni sur notre indépendance.
3. Au delà de l’action de l’Eurosystème inscrite dans le Traité, la zone euro a besoin d’une
nouvelle avancée concrète vers un renforcement de l’intégration financière. Il est vrai que
nous avons fait de grandes avancées vers plus de régulation et créé de nouveaux outils mais
les différents épisodes de la crise ont prouvé qu’une union monétaire peut être plus forte si
elle s’appuie sur un système financier dont la santé ne dépend pas, in fine, de mécanismes
nationaux :
un système financier uniformément sain est essentiel pour la bonne transmission de la
politique monétaire unique de la zone euro ;
aussi longtemps que la santé financière de la zone euro sera à la merci des problèmes
rencontrés par l’un des pays membres, des interactions négatives entre risque
souverain et risque bancaire risquent de se matérialiser : c’est précisément ce que l’on
a observé dans la zone euro ;
dans une union monétaire, le capital peut circuler librement et très rapidement d’un
pays à l’autre, ce qui accroît l’incidence potentielle des « paniques bancaires » en
l’absence de mécanismes supranationaux de garantie des dépôts.
Par conséquent, nous devons construire une vrai structure fédérale de la zone euro, un
organisme combinant les fonctions du FDIC avec les pouvoirs du Système de Réserve fédéral
serait particulièrement bénéfique pour l’avenir de la zone. Il devrait être investi de trois
grands pouvoirs :
la supervision bancaire (peut-être avec le même type de structure que l’Eurosystème,
c’est-à-dire doté d’une instance à sa tête mais avec une mise en œuvre décentralisée) ;
la garantie des dépôts, assortie d’une puissance de feu massive, dans la mesure où cet
organisme pourrait prélever une taxe sur chaque banque de la zone euro et emprunter
sur les marchés en bénéficiant d’une garantie supranationale ;
la résolution des défaillances bancaires (gestion de crise). 5
Bien entendu, une telle avancée implique de nombreuses étapes et l’élimination d’un grand
nombre d’obstacles importants. Mais ce qu’elle requiert surtout, c’est une volonté politique
sans faille, de la part de l’ensemble des membres de la zone euro, d’évoluer vers une union
économique et monétaire plus forte et plus cohérente. Après tout, les plus grandes avancées
du projet européen ont toujours été accomplies en réaction aux crises. Et nous devons nous
rappeler de cette phrase de Jean Monnet : « l’Europe est née des crises, elle sera la réponse
apportée aux crises ».
Voulez-vous vraiment bloquer %USER_NAME% ?
Si vous continuez, vous et %USER_NAME% ne verrez plus vos publications Investing.com mutuelles.
%USER_NAME% a bien été ajouté à votre Liste d’utilisateurs bloqués
Vous venez de débloquer cette personne et devrez attendre 48 heures avant de la bloquer de nouveau.
Je souhaite signaler ce commentaire comme:
Merci
Le commentaire signalé sera révisé par nos modérateurs
Ajouter un commentaire
Nous vous encourageons à utiliser les commentaires pour engager le dialogue avec les autres utilisateurs, partager votre point de vue et poser des questions aux auteurs et utilisateurs. Toutefois, afin de maintenir un niveau de dialogue de qualité, veuillez garder à l'esprit les éléments suivants:
Les auteurs de spam ou d'abus seront supprimés du site et interdits d'inscription à la discrétion de Investing.com.