A l’issue du Conseil EcoFin qui se tenait le 12 février à Bruxelles, le vice-président du Conseil et Commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, avait semblé excessivement optimiste en annonçant que les négociations tripartites entre la Commission, le Parlement et le Conseil européens concernant le paquet de gouvernance économique, ou « two pack », aboutiraient prochainement. Rappelons que sa mise en œuvre aura pris deux ans. La Commission européenne avait publié, en juin 2011, après plusieurs mois de travail, sa proposition de paquet réglementaire. Le « two-pack » avait reçu l’approbation du Conseil EcoFin et la validation de justesse de la Commission aux Affaires économiques et monétaires au Parlement, huit mois plus tard, en février 2012. En juin 2012, son premier volet avait été voté par le Parlement. Mais, le second faisait encore l’objet de négociations entre le Conseil et les députés européens qui exigeaient des avancées en matière de solidarité budgétaire. Un accord a finalement été trouvé en milieu de semaine, il faudra, toutefois, attendre encore quelques semaines avant son entrée en vigueur.
Vers un fond de rédemption des dettes européennes ?
Ce nouveau règlement, qui doit venir compléter le six-pack1 , vise, d’une part, à instituer un suivi renforcé des projets de loi de finances des pays membres de la zone euro ainsi que leur évaluation et, d’autre part, une surveillance accrue des Etats sous assistance financière (FESF/ESM, pour plus de détails, voir Conjoncture octobre 2012 « Crise des dettes publiques de la zone euro, l’impératif fédéral »). Les parlementaires ont toutefois négocié, en échange de leur vote, la création d’un groupe de travail chargé d’étudier la faisabilité d’un fonds de rédemption de la dette des pays de la zone euro 2 . Celui-ci devra rendre ses conclusions d’ici à mars 2014. Par ailleurs, ils ont aussi obtenu un renforcement du contrôle démocratique de l’action de la Troïka (Commission, BCE et FMI) auprès des pays mis sous tutelle financière : les mesures d’ajustement budgétaire imposées ne devront pas porter sur les investissements générateurs d’activité ni introduire des coupes irrémédiables dans les dépenses d’éducation et de santé.
L’accord sur le « two-pack » arrive à point nommé. D’une part, il indique que les instances européennes acceptent de faire vivre le débat sur le renforcement de l’Union budgétaire, en dépit de leurs divergences. Rappelons à cet égard que la Chancelière allemande s’est fermement opposée à la création d’un fonds de rédemption qu’elle juge « économiquement erroné » et «contre-productif », craignant que ce ne soit la première étape vers une mutualisation des dettes européennes et l’émission d’euro-obligations. D’autre part, ce vote vient atténuer le souvenir, laissé par l’accord sur le budget européen 2014-2020, d’une Europe divisée (cf. « Relâchement du jeu coopératif en Europe » in Ecoweek du 8 février). Ce dernier doit désormais être voté à la
majorité parlementaire 3 et c’est là que le bât blesse. Les présidents des quatre principaux groupes parlementaires (démocrates chrétiens, socialistes, libéraux et verts) européens ont déjà fait savoir qu’ils ne le voteraient pas en l’état. Si une subtile distinction entre crédits d’engagement et crédits de paiement a permis aux chefs d’Etat de rentrer chez eux la tête haute et de rassurer leur électorat préoccupé de la défense des intérêts nationaux, cette même distinction ne cesse d’inquiéter les parlementaires européens. Ceux-ci craignent qu’une telle proposition ne mène à un déficit structurel du budget européen, tout en ne soutenant pas suffisamment la croissance ni la création d’emplois. Les négociations entre le Parlement et le Conseil s’annoncent donc serrées.
Toutefois, l’amélioration des perspectives économiques justifie aposteriori les politiques d’ajustement menées au sein de l’Union et limite, par la même occasion, la portée des arguments des
parlementaires européens. La poursuite des efforts de consolidation budgétaire et de rééquilibrage des économies se voit, en effet, récompensée par une normalisation graduelle des conditions sur les marchés financiers et un retour de la confiance des agents économiques. La Commission a confirmé ce scénario, à l’occasion de la publication de ses prévisions économiques d’hiver pour la période 2013-2014. Ces dernières tablent sur une stabilisation suivie d’un redémarrage progressif de l’activité européenne provenant essentiellement cette année de la demande extérieure, tandis que la reprise de la consommation et de l’investissement sera graduelle. En 2014, la demande interne devrait être le principal moteur de la croissance. Somme toute, la croissance du PIB serait quasiment nulle en Europe cette année (+0,1% après -0,3% en 2012) alors que, dans la zone euro, elle serait négative pour la seconde année consécutive (-0,25% après -0,6%).Toutefois, le profil trimestriel de croissance de la Commission indique une accélération de la reprise en fin d’année, avec une progression de 1% g.a. du PIB européen et 0,75% g.a. en zone euro au T4 2013.
Caroline NEWHOUSE