L'énergéticien allemand RWE (DE:RWEG), propriétaire du plus gros parc de centrales à charbon d'Europe et mis à mal depuis plusieurs années par la transition énergétique, voit finalement son salut dans une séparation de ses activités, comme son compatriote EON.
Mardi, le groupe, numéro deux du marché allemand, a annoncé qu'il mettrait en Bourse "probablement fin 2016" une nouvelle société chapeautant "les opérations liées aux énergies renouvelables, aux réseaux et à la distribution en Allemagne et à l'étranger".
Ces domaines sont les plus porteurs dans une Europe qui a pris à plein le virage des renouvelables, et RWE veut leur assurer "un accès propre aux marchés de capitaux" pour leur permettre de croître.
Les activités traditionnelles de génération d'électricité au gaz, au charbon et nucléaire, ainsi que le négoce, formeront l'autre pilier, nettement plus petit, de RWE.
Le patron du groupe Peter Terium a vigoureusement rejeté lors d'une conférence téléphonique mardi le terme de "scission", faisant valoir que la nouvelle entité - qui sera baptisée plus tard - avait vocation à rester sous contrôle de RWE. Il a préféré parler d'une "réorganisation": "nous créons une nouvelle société, et nous aurons ainsi deux sociétés sous un même toit", a-t-il dit.
- pas suiveur -
Derrière la précision sémantique se cache le souhait de ne pas apparaître comme marchant dans les traces d'EON, l'éternel rival, confronté aux mêmes maux et qui a annoncé il y a un an sa scission. Celle-ci sera menée à bien début 2016. Il y a quelques mois encore, en août, M. Terium, en annonçant une première réorganisation, expliquait sa défiance à l'égard d'un tel modèle.
"Je n'ai pas changé d'avis", s'est-il défendu mardi, expliquant que quoi qu'il arrive, RWE allait conserver le contrôle, soit plus de 51%, de la nouvelle société. Au départ ce ne seront que 10% qui devraient être mis en Bourse.
Pourtant la logique est fondamentalement la même que chez EON: affranchir les créneaux d'avenir du poids des "vieilles" activités en perte de vitesse.
Brusqués comme les autres concurrents européens, que ce soit le suédois Vattenfall ou le français Engie (ex-GDF Suez), par une transition énergétique qui favorise les renouvelables subventionnés et par la faiblesse des prix de gros du courant, les deux allemands ont vu la rentabilité de leurs centrales au charbon et au gaz décliner, les forçant à déprécier des milliards d'euros et entraînant des pertes abyssales. Les centrales nucléaires allemandes, elles, doivent fermer d'ici à 2022.
Le rejet croissant du charbon, ennemi à abattre dans la lutte contre le réchauffement climatique, complique aussi la donne pour RWE, l'un des plus gros pollueurs européens. Plusieurs gros investisseurs, dernièrement le géant de l'assurance Allianz (DE:ALVG), ont annoncé ces derniers mois se détourner de cette énergie fossile. La désaffection à l'égard du titre RWE avait commencé bien avant: elle a cédé plus de 50% depuis le début de l'année, de loin la pire performance du Dax à Francfort.
- la Bourse euphorique -
Difficile dans ces conditions de s'assurer les financements nécessaires pour investir dans les domaines d'avenir, à savoir les renouvelables et les solutions comme la maison intelligente, dont RWE a fait un axe de développement important.
Il y a "une logique convaincainte" derrière la séparation des activités, s'est justifié M. Terium. La Bourse semblait du même avis, l'action s'envolait de 13,68% à 12,38 euros à 14H30 GMT.
La nouvelle filiale rassemblera le gros des activités de RWE, soit plus de 80% du chiffre d'affaires (48 milliards d'euros en 2014) et les deux tiers des 60.000 salariés. Outre son marché national, RWE est très présent aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Europe centrale.
Le conseil de surveillance de RWE doit se réunir vendredi 11 décembre pour se prononcer sur le plan du directoire. Parmi ses actionnaires, RWE compte un certain nombre de communes de sa région d'origine, la Ruhr, inquiètent de voir s'étioler les dividendes et qui faisaient pression pour un virage stratégique.