Par Carlos Gonzalez
Investing.com - Aux premières heures du jeudi 24 février, la Russie a commencé son invasion de l'Ukraine. Quelques heures plus tard, à 5 heures du matin exactement, le bitcoin et le reste des crypto-monnaies ont très fortement ressenti la panique de la guerre et leurs prix ont chuté de manière significative, certaines crypto-monnaies chutant de plus de 15 %.
Le bitcoin a atteint son point le plus bas à 6h30 du matin alors qu'il s'échangeait à 34 405 dollars, se rapprochant dangereusement du niveau de soutien de 33 000 dollars. Au même moment, l'Ethereum est tombé à 2 307 $ et le Cardano à 0,75 $.
Le bitcoin, l'Ethereum et le Cardano se négocient actuellement à 35 520 $, 2 390 $ et 0,77 $ respectivement et menacent dangereusement la résistance.
Pour Jason Guthrie, responsable des actifs numériques de WisdomTree pour l'Europe, "l'invasion de l'Ukraine est une tragédie et menace la stabilité mondiale". Par conséquent, l'incertitude qu'il crée "affectera de nombreuses classes d'actifs, y compris les cryptomonnaies". Il serait inapproprié de spéculer sur la manière dont la situation pourrait évoluer à partir de maintenant. Nous espérons une résolution rapide de la situation et un retour à la paix dans la région."
Le bitcoin est-il en train de perdre son statut de valeur refuge ?
Comme prévu, tous les marchés et indices mondiaux ont réagi par de fortes baisses au début de la guerre entre la Russie et l'Ukraine. Tous ? Non, pas tous. Les valeurs refuges telles que l'or, les obligations d'État (obligations allemandes ou américaines à 10 ans, par exemple) et les matières premières énergétiques telles que les contrats à terme sur le pétrole et le gaz naturel ont pris de la valeur au cours des dernières heures.
Mais qu'en est-il du bitcoin ? N'est-il pas actuellement considéré par de nombreux experts comme une valeur refuge et en concurrence directe avec l'or ? Eh bien... Oui et non. Toutes choses égales par ailleurs, le bitcoin s'était révélé être un actif d'investissement fiable et un bon actif pour lutter, entre autres, contre l'inflation, par exemple.
Cependant, dans les conditions actuelles de grande incertitude, et en considérant toujours la principale crypto-monnaie comme un actif risqué à forte volatilité, il est difficile d'imaginer que le bitcoin agisse comme une véritable valeur refuge aux yeux du marché international. Peut-être dans le futur, mais pas aujourd'hui.
"Ce conflit a montré que lorsque les choses vont vraiment mal, le véritable refuge est l'or et non le secteur des crypto-monnaies", déclare Víctor Alvargonzález, associé fondateur et directeur de la stratégie de Nextep Finance. En ce sens, poursuit Alvargonzález, le secteur des crypto-monnaies en général et le bitcoin en particulier, "n'a pas prouvé son efficacité en tant qu'actif refuge face aux changements de politique monétaire des banques centrales" tels que les hausses de taux d'intérêt, "et il ne reste plus qu'à voir s'il peut agir comme tel face à une perte de confiance de la part des banques centrales".
Une autre idée est suggérée par l'analyste en crypto-actifs de la plateforme d'investissement multi-actifs eToro, Simon Peters : "Les crypto-actifs étant devenus plus attrayants pour les investisseurs institutionnels, ils se comportent davantage comme un actif "à risque". Les crypto-monnaies et les marchés américains évoluent ensemble d'une manière qui ne s'est jamais produite auparavant. À mon avis, il semble que les investisseurs se positionnent pour une nouvelle baisse des crypto-actifs. Les investisseurs se tournent maintenant vers les valeurs refuges comme l'or pour surmonter cette incertitude à court terme".
Cependant, un point positif à noter à propos du bitcoin est qu'il s'agit "d'une technologie positive en pleine croissance, qui a servi à de nombreux investisseurs de valeur refuge face aux augmentations continues de l'inflation, une situation causée par les injections des banques centrales", explique Diego Morin, analyste des opérations de vente chez IG.
Un autre point de vue positif est celui d'Herminio Fernández, PDG d'Eurocoinpay : "Le bitcoin va sans aucun doute ronger le marché de l'or en tant que réserve de valeur à long terme. Il ajoute : "Le secteur est légiféré et réglementé dans le monde entier, y compris en Russie. D'autres pays hostiles aux crypto-monnaies font marche arrière et parlent déjà de les réglementer, car ils ne veulent pas manquer le train de l'innovation et de la technologie avec les emplois qui en découlent".
Il ne faut pas non plus oublier que, comme le souligne Daniel Santos, PDG de Woonkly, le bitcoin "n'a pas été historiquement corrélé avec le marché boursier et n'a commencé à avoir une certaine corrélation qu'il y a deux ans, ce que nous constatons lorsqu'il est affecté par des événements tels que ceux qui entraînent des baisses sur les marchés boursiers". Nous pensons qu'à l'heure actuelle, ils n'ont pas servi de refuge, car il y a eu une chute, et non une stabilité ou une vente".
"Le bitcoin a déjà démontré sa force au cours des dernières années", poursuit M. Santos. Ainsi, "si nous prenons comme référence la naissance du bitcoin, il a été l'actif qui a donné les rendements les plus élevés année après année", donc, et dans un scénario comme celui d'aujourd'hui, "nous pouvons nous attendre à beaucoup de volatilité et à de fortes baisses du prix, car il démontre que pour le moment il suit les tendances des autres marchés financiers", Mais la force du bitcoin est intrinsèque et, à l'avenir, nous sommes convaincus que nous verrons le bitcoin bien au-dessus des prix actuels et fortement établi comme la valeur refuge du marché cryptographique, tout comme l'or l'est pour les marchés traditionnels".
Jusqu'où le bitcoin et les autres principales crypto-monnaies peuvent-ils chuter ?
Pour Diego Morín, analyste des opérations de vente chez IG, "nous devrions voir les cryptos s'approcher de niveaux clés, tels que les plus bas annuels du bitcoin (33 076 dollars), une zone qui, si elle était perdue, donnerait une impulsion à la baisse vers le niveau critique de 30 000 dollars, un plancher créé entre mai et juillet de l'année dernière. La même situation s'appliquerait à l'Ethereum, avec l'observation d'un support à 2 160 $ (planchers annuels), donc si l'offre continue avec la force actuelle face à ce conflit, nous pourrions voir un test du support à 1 800 $, les planchers de 2021 ".
Simon Peters, analyste expert en crypto-monnaies sur la plateforme d'investissement multi-actifs eToro, précise que "si nous continuons à voir une baisse du prix, la première chose à garder à l'esprit est que, même avec tout cela, nous n'avons pas encore atteint les niveaux les plus bas observés au milieu de l'année dernière après la répression de l'exploitation minière du bitcoin en Chine, lorsque nous avons vu le prix chuter à un minimum de 29 000-30 000 dollars". Ce serait la première zone à surveiller et à voir si des acheteurs importants entrent en scène".
En revanche, Herminio Fernandez, PDG d'Eurocoinpay, voit le bitcoin à 25 000 dollars : "C'est presque inévitable". "Encore plus", poursuit Hernandez, "si la guerre en Ukraine s'intensifie et se prolonge dans le temps, entraînant dans sa chute le reste des crypto-monnaies". En outre, le bitcoin, en tant que monnaie dominante, ne parvient pas à surmonter la domination de l'or sur les principaux marchés en tant qu'actif précieux, ce qui pèse sur son prix".
Et ensuite ?
Sans aucun doute, et malgré cette crise des crypto-monnaies, le bitcoin et le reste des crypto-monnaies ont encore un long chemin à parcourir comme le rappelle Miguel Hernández, directeur de la formation de Traders Business School : " Comme la crise de 2017 avec l'interdiction chinoise, celle de 2020 avec la pandémie mondiale et celle de 2021 avec l'interdiction d'extraction en Chine pour les crypto-monnaies ", cette crise " a affecté les crypto-monnaies, comme les autres actifs ".
Toutefois, poursuit M. Hernández, "cela ne signifie pas que c'est la fin pour eux, bien au contraire. C'est un monde relativement nouveau qui émerge pour rester. A ce conflit guerrier, il faut ajouter les restrictions qu'ils subissent d'un point de vue fiscal pour essayer de le contrôler, et cela va à l'encontre du principe des crypto-monnaies, qui est la décentralisation. Ce ne sera ni la première ni la dernière crise à laquelle les crypto-monnaies, comme tout autre actif financier, seront exposées".
Daniel Santos, PDG de Woonkly, est du même avis : "L'adoption des crypto-monnaies ne fait que commencer et nous prévoyons une croissance exponentielle de l'utilisation, des investissements et de l'apparition de milliers de nouveaux produits blockchain qui entraîneront, à leur tour, une plus grande adoption".
En outre, poursuit Santos, "même si les circonstances actuelles ne sont pas les plus appropriées, la technologie blockchain qui soutient les crypto-monnaies est une réalité, et elle est là pour rester, elle peut passer par de nombreuses phases, tant haussières que baissières, elles peuvent avoir des inconvénients en cours de route, mais elles ne pourront pas arrêter tout le mouvement qui a été généré autour d'elle ou l'adoption massive qui a déjà lieu".