Les grandes industries japonaises, qui louaient il n'y a pas si longtemps les vertus des "abenomics", ont le moral qui flanche, selon l'enquête Tankan de la Banque du Japon (BoJ), alors que se profile une nouvelle récession.
L'indice de confiance des entreprises manufacturières de premier plan a diminué de trois points en septembre, tombant à +12, a révélé jeudi cette étude trimestrielle de "sentiment à court terme", perçue comme un indicateur important de l'état d'esprit du monde des affaires.
Largement implantées à l'étranger, elles souffrent du "ralentissement de la demande extérieure, en particulier en provenance de Chine", explique Junko Nishioka, économiste chez Sumitomo Mitsui Banking Corporation, contactée par l'AFP.
L'Archipel a exporté l'an dernier plus de 18% de ses marchandises vers le marché chinois, où sont recensées 23.000 firmes nippones, des constructeurs automobiles japonais Toyota (TOKYO:7203) et Nissan (TOKYO:7201) au géant des robots industriels Fanuc (TOKYO:6954).
Le secteur non-manufacturier, moins exposé aux soubresauts extérieurs, a en revanche agréablement surpris, affichant un moral en hausse de deux points pour s'élever à +25, au plus haut depuis le début des années 1990.
Cette bonne performance reflète notamment la frénésie touristique qui a gagné le Japon, où affluent les voyageurs asiatiques, pour le plus grand bonheur des commerçants, hôteliers et restaurateurs.
Mais le tableau global reste bien terne: tous secteurs confondus, la confiance des grosses sociétés stagne, à +19. Quant aux petites et moyennes entreprises, au moral en berne ces derniers mois, l'indice se redresse, très modestement toutefois.
Surtout, les perspectives ne sont guère enthousiasmantes: repli en vue pour les grandes firmes (-5 points) et les PME (-3 points).
L'enquête "Tankan", menée auprès de plus de 10.000 entreprises, mesure la différence entre le pourcentage de sociétés qui jugent la situation favorable et celles qui la considèrent défavorable.
- 'La reprise à l'arrêt' -
Ces piètres conclusions font écho au ralentissement de la troisième économie mondiale. Après un début d'année de bon augure, l'activité s'est contractée au deuxième trimestre (-0,3%), sous l'effet d'une consommation des ménages désespérément atone et d'exportations moroses.
Si le Premier ministre Shinzo Abe et le gouverneur de la BoJ y ont vu un phénomène temporaire, les statistiques estivales font craindre un nouvel recul du Produit intérieur brut (PIB).
Les exportations ont fléchi en volume en août et la production industrielle a accusé une baisse inattendue, si bien que désormais les économistes redoutent une rechute de l'archipel en récession - deux trimestres consécutifs de repli du PIB.
Ce serait un nouveau coup dur pour M. Abe, revenu au pouvoir fin 2012 avec la ferme intention de redonner au Japon sa vigueur passée. Il avait certes pu mettre la récession de 2014 sur le compte d'un relèvement de TVA qui avait stoppé net les ardeurs des consommateurs japonais, et il peut cette fois blâmer l'essoufflement chinois.
Mais le problème est plus profond, relèvent les économistes qui déplorent que les réformes structurelles annoncées n'avancent pas. Et de faire part de leur scepticisme devant la seconde phase des abenomics lancée par M. Abe, qui a promis la semaine dernière d'accroître le PIB de 20%, sans dire à quel horizon ni comment.
"Bien que moins mauvais que prévu, le Tankan vient corroborer les autres signes suggérant que la reprise est à l'arrêt", estime Marcel Thieliant, de Capital Economics. La BoJ "va devoir admettre qu'une plus faible demande extérieure a assombri l'humeur à la maison". "Il va être difficile au gouverneur Haruhiko Kuroda de maintenir ses commentaires positifs", confirme Junko Nishioka.
La banque centrale, qui soutient déjà l'économie par un vaste programme de rachat d'actifs - 80.000 milliards de yens par an -, devrait cependant attendre janvier pour assouplir davantage sa politique, pronostique Tsuyoshi Ueno, de NLI Research Institute. "La BoJ ne peut pas agir avant que la Réserve fédérale américaine (Fed) ne procède à une hausse des taux. Il lui faut être prudente car il ne lui reste plus beaucoup d'options".