PARIS (Reuters) - Le gouvernement français a consenti vendredi un premier geste envers les agriculteurs en menaçant de sanctions les distributeurs et industriels qui ne se conformeraient pas aux lois Egalim, textes pour "l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole" insuffisamment appliqués à ce jour.
Les agriculteurs français poursuivaient vendredi leur mouvement de protestation national, avec des blocages routiers jusqu'aux portes de Paris, affichant leur détermination à faire plier le gouvernement.
Le Premier ministre Gabriel Attal est attendu à 16h30 (15h30 GMT) dans une exploitation agricole bovine de Montastruc-du-Salies, en Haute-Garonne, pour annoncer de premières "mesures de simplification" au bénéfice des agriculteurs, selon Matignon.
Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a réuni vendredi matin le comité de suivi des négociations commerciales, rendez-vous prévu avant que les barrages d'agriculteurs ne commencent à paralyser le réseau routier français, en présence des industriels, des représentants du monde agricole et de la grande distribution.
A l'issue de la réunion, Bruno Le Maire a dit à la presse qu'il enverrait la semaine prochaine "à tous les industriels et tous les distributeurs qui sont en infraction des injonctions à se conformer à la loi Egalim".
A la clé : des sanctions pouvant aller "jusqu’à 2% du chiffre d’affaires".
Les trois lois Egalim - la première a été promulguée en 2018, la seconde en 2021, la troisième en 2023 - visent à protéger les revenus des agriculteurs en leur permettant de peser dans les discussions sur les prix des matières premières agricoles.
Or, dans un contexte d'inflation soutenue, les distributeurs "renient le principe de non-négociabilité des prix", selon les agriculteurs.
UN GESTE ATTENDU SUR LE GNR
Au nombre de leurs revendications, les agriculteurs réclament "l'application pleine et entière des lois Egalim".
"Les signaux envoyés à quelques jours de la fin des négociations commerciales (le 31 janvier-NDLR), particulièrement en cette période d’inflation, sont néfastes sur la mise en oeuvre d’Egalim", soulignent la FNSEA et le syndicat Jeunes Agriculteurs (JA) dans la synthèse commune des doléances présentées à Gabriel Attal.
Outre la précarisation de leur métier, les agriculteurs dénoncent également la flambée des charges et une inflation de normes environnementales.
La FNSEA et JA jugent nécessaires une aide d'urgence pour les "secteurs les plus en crise" (viticulture et agriculture biologique) et le lancement d'un "chantier de réduction des normes".
Ils exigent un moratoire sur l'interdiction des pesticides, le paiement immédiat des aides de la PAC ("Politique agricole commune" de l'UE), l'accélération des projets de stockage d'eau et le retrait de l'arrêté "Plan eau" de 2021 qui encadre les prélèvements d'eau en cas de sécheresse.
Mais la mesure d'urgence la plus attendue est celle concernant la suppression progressive d'ici à 2030 de la détaxation du gazole non routier (GNR), carburant utilisé par les agriculteurs, annoncée en septembre dernier par Bruno Le Maire. Les agriculteurs sont de fait confrontés depuis le début de l'année à une hausse du prix du litre de GNR.
"On est déterminés, (...) on attend patiemment que le Premier ministre veuille bien nous dire ce qu'il en est et puis on communiquera après avoir rassemblé nos réseaux pour faire le point ensemble", a déclaré le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, sur BFM TV.
La FNSEA a prévu de s'exprimer "vers 20h00" (19h00 GMT) sur les annonces du chef du gouvernement, a-t-il ajouté.
La menace d'un "blocage" de Paris demeure.
L'autoroute A1, axe majeur reliant Paris à Lille, était bloquée vendredi matin dans les deux sens à hauteur de Senlis (Oise), selon un journaliste de Reuters présent sur place.
Au sud de Paris, la nationale 118, proche de l'autoroute A10 et de l'aéroport d'Orly, était bloquée entre Marcoussis et Orsay (Essonne), d'après le réseau Sytadin de la préfecture de la région d'Ile-de-France.
Vinci (EPA:SGEF) Autoroutes a également indiqué que l'autoroute A11 en direction de Paris était coupée au niveau de Chartres (Eure-et-Loire).
(Rédigé par Blandine Hénault et Sophie Louet, avec la contribution de Sybille de La Hamaide et de Nicolas Delame)