par Philip Blenkinsop
BRUXELLES (Reuters) - La Commission européenne a proposé mercredi de supprimer la majeure partie des contrôles imposés aux produits alimentaires britanniques arrivant en Irlande du Nord et d'alléger plus largement les formalités douanières, pour tenter d'apaiser les tensions avec Londres sur ce volet capital de l'accord de Brexit.
Ces propositions "cochent toutes les cases" en résolvant les problèmes soulevés ces derniers mois sans recréer une frontière entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande, membre de l'Union européenne, a déclaré à Reuters le vice-président de la Commission Maros Sefcovic.
"Je crois que ce qu'il est très, très important de dire, c'est qu'il n'y aura pas d'autre paquet comme celui-ci", a-t-il ajouté.
L'exécutif communautaire ferme ainsi la porte à une renégociation du protocole qui encadre les échanges avec l'Irlande du Nord, ce qui risque de mécontenter le gouvernement de Boris Johnson.
A Dublin, le Parti unioniste démocrate (DUP) a déclaré qu'il s'agissait d'un bon point de départ mais que les mesures proposées par Bruxelles ne répondaient pas au besoin de changement fondamental dans le protocole nord-irlandais.
"Nous allons prendre le temps d'étudier en détail les documents produits. Cependant il est impossible d'échapper à la réalité que le protocole nord-irlandais a nui à l'Irlande du Nord, à la fois au niveau économique et constitutionnel", a déclaré dans un communiqué Jeffrey Donalson, chef du DUP, principal soutien de Londres en Irlande du Nord.
Les solutions proposées par Bruxelles incluent la réduction d'environ 80% des contrôles sanitaires et phytosanitaires requis pour l'instant pour les produits alimentaires, végétaux et animaux britanniques destinés à l'Irlande du Nord.
Les formalités douanières seraient en outre assouplies pour l'ensemble des marchandises, ce qui se traduirait par une réduction de moitié des documents à fournir.
La mise en oeuvre de ces mesures implique toutefois que la Grande-Bretagne tienne ses engagements en matière de contrôles, d'emballage et d'étiquetage et "renforce la surveillance des chaînes d'approvisionnement", précise la Commission.
Cette dernière propose aussi de modifier les règles spécifiques aux entreprises pharmaceutiques implantées sur le sol britannique afin d'"assurer à long terme la sécurité d'approvisionnement en médicaments de l'Irlande du Nord par la Grande-Bretagne".
Partie intégrante du Royaume-Uni, la province d'Irlande du Nord - frontalière de la République d'Irlande, membre de l'Union européenne (UE) - est restée dans le marché unique européen pour les échanges de biens, ce qui signifie que ses exportations vers le reste de l'UE ne sont pas soumises à des contrôles ou tarifs douaniers et ne font pas l'objet de formalités particulières.
Pour Bruxelles, cet arrangement - qui crée une frontière douanière de fait entre Grande-Bretagne et Irlande du Nord dans la mer d'Irlande - préserve le marché unique européen tout en permettant au commerce nord-irlandais de bénéficier des avantages des deux mondes.
Mais pour Londres, les contrôles sur les marchandises transitant par la mer pour approvisionner l'Irlande du Nord concrétisent sa séparation des autres provinces britanniques et attisent les tensions chez les unionistes.
Le ministre britannique du Brexit, David Frost, s'est déclaré mardi prêt à discuter de ces propositions "quel que soit leur contenu" mais il a une nouvelle fois réclamé un nouveau protocole en exigeant que l'autorité de la Cour de justice de l'UE (CJUE) ne s'exerce pas.
Bruxelles ne conçoit toutefois pas qu'une juridiction autre qu'européenne puisse légiférer au sujet du marché unique européen. Il semble donc peu probable que les nouvelles propositions permettent de mettre fin au contentieux.
(Reportage Philip Blenkinsop, avec Sarah Young et Guy Faulconbridge à Londres, Padraic Halpin à Dublin; version française Myriam Rivet et Marc Angrand, édité par Jean-Michel Bélot et Jean Terzian)