Quadragénaire à l'allure décontractée, Alexandre Bompard aime les défis. Un an après avoir remporté la bataille homérique pour la prise de contrôle de Darty, il va prendre les rênes de Carrefour (PA:CARR), numéro un français de la grande distribution.
Ce ne sera pas la première fois que cet énarque de 44 ans, au sourire de gendre idéal, devra transformer une entreprise au milieu du gué.
Canal+, Europe 1, Fnac. "C'est quelqu'un qui aime les challenges. Il aurait pu faire d'autres choix de carrière mais il a à coeur de défendre des marques fortes inscrites dans le coeur des Français. De faire bouger leurs lignes, tout en conservant leur ADN", note un proche auprès de l'AFP.
Le monde des affaires n'était pas le premier choix de ce natif de Saint-Etienne, passionné d'histoire.
Sorti dans la botte de l'ENA en 1999, il privilégie l'Inspection des finances.
En 2003, ce fils d'un baron RPR de Haute-Savoie devient conseiller technique de François Fillon, alors ministre des Affaires sociales et du Travail.
C'est en 2004 qu'il rejoint le privé comme directeur de cabinet de Bertrand Méheut, patron de Canal+. Placé à la tête du pôle sport de la chaîne cryptée, il s'illustre notamment en négociant les droits de diffusion de la Ligue 1 de football, milieu qu'il connaît puisque son père a dirigé les Verts, le club de Saint-Etienne.
Autre média, autre défi en 2008: il prend les rênes d'Europe 1 avec pour mission de redresser les audiences. Surnommé "Pentium 12" pour sa rapidité d'analyse, il renforce la dimension généraliste de la radio tout en diversifiant les recettes. Avec succès.
En 2011, il est appelé à la rescousse d'un autre groupe: la Fnac. L'occasion pour ce féru de littérature classique et de cinéma de "réveiller une autre belle endormie".
Sa méthode est radicale: diversifier l'offre, en introduisant de nouveaux produits comme le petit électroménager, réduction drastique des coûts et renforcement du profil numérique de l'enseigne.
Selon son entourage, "il a compris le rôle que le numérique pouvait jouer dans la distribution de demain" face à la concurrence, notamment d'Amazon (NASDAQ:AMZN).
Les syndicats du groupe lui reprochent en revanche une vision purement financière et "de construire sa réussite sur le dos des salariés".
- Homme de réseaux -
Féru de tennis, Alexandre Bompard sait qu'il faut parfois batailler cinq sets pour l'emporter.
Des qualités de stratège qui s'illustreront dans la prise de contrôle de Darty.
L'annonce de ce mariage en septembre 2015 surprend. Et aiguise les appétits d'un autre géant, le sud-africain Steinhoff qui convoite lui aussi Darty pour l'adosser à Conforama.
Suivent des mois de négociations tendues, dont la Fnac sort victorieuse. Mais en payant le prix fort: 1,16 milliard d'euros.
Cette réussite assoit un peu plus la réputation de M. Bompard.
Son nom revient à chaque succession potentielle de grands groupes hexagonaux, dont France Télévisions, Air France (PA:AIRF) ou Orange. D'aucuns le voyaient même ministre de la Culture d'Emmanuel Macron.
Personnalité dont on le dit proche: "il est dans le business ce que Macron est en politique: moderne, vif, séduisant", estime l'économiste Alain Minc.
"Sa force, c'est sa capacité à définir un cap et à s'y tenir. A jongler entre le quotidien d'une entreprise et une vraie vision de long terme", renchérit un membre de son entourage.
Selon Yves Marin, expert en consommation chez Wavestone, "il sait faire preuve d'audace et de ténacité sur les dossiers difficiles. Et puis, c'est un bon communicant, il sait trouver les angles pour plaire".
Alexandre Bompard dispose aussi d'amitiés solides dans le monde des affaires (Arthur Sadoun chez Publicis (PA:PUBP)), de la finance (Cyril de Mont-Marin chez Rothschild) mais aussi chez les politiques. Surnommé autrefois "Bébé Sarko", il compterait parmi ses intimes Bruno Le Maire et Edouard Philippe.
Des relations qui peuvent s'avérer utiles sur les dossiers tendus, comme l'ouverture dominicale ou l'extension des surfaces commerciales.
Un art du "lobbying" dénoncé par certains syndicalistes, qui lui reprochent aussi son bilan social à la Fnac: 1.500 postes supprimés en quatre ans, selon la CGT.