par Stephen Nellis
(Reuters) - Depuis près d'un an et demi, le directeur général d'Apple (NASDAQ:AAPL), Tim Cook, n'oppose qu'une seule réponse aux analystes : son groupe n'a pour l'heure rien à dire sur l'intelligence artificielle (IA).
Mais changement de ton jeudi : après la publication des résultats trimestriels d'Apple, il a insisté sur le fait que la marque à la pomme aurait très bientôt des éléments concrets à communiquer sur ses projets en matière d'IA.
"Nous continuons à être très optimistes quant à nos opportunités dans le domaine de l'IA générative et nous réalisons des investissements importants", a déclaré le patron d'Apple lors d'une interview accordée à Reuters, soulignant que la société a dépensé 100 milliards de dollars au cours des cinq dernières années en matière de recherche et développement (R&D).
Les grands concurrents d'Apple dans le domaine des nouvelles technologies ont dépensé des sommes comparables, voire davantage, en R&D au cours de la même période, mais ils ont également investi massivement dans la construction de centres de données destinés à héberger des services d'IA.
Microsoft (NASDAQ:MSFT) a dépensé 14 milliards de dollars au cours du dernier trimestre en termes d'investissement, tandis que Google, filiale d'Alphabet (NASDAQ:GOOGL), a investi 12 milliards de dollars. Meta Platforms (NASDAQ:META) a annoncé aux investisseurs la semaine dernière prévoir d'investir jusqu'à 40 milliards de dollars cette année.
"THINK DIFFERENT"
Chez Apple, dont le slogan a été un temps "Think different" ("Pensez différemment"), les dépenses d'investissement sur l'ensemble de 2023 s'élèvent à un peu plus de 10 milliards de dollars.
Le groupe, qui réalise la majeure partie de son chiffre d'affaires en commercialisant des appareils grand public, a été sanctionné en Bourse depuis le début de l'année, avec une chute de près de 10% du titre, les investisseurs redoutant que la société ne prenne du retard dans la course à l'IA.
Les actions de Meta, Alphabet et Microsoft, dont le modèle économique repose essentiellement sur la vente de logiciels ou des services publicitaires, ont, elles, atteint des niveaux record sur fond d'engouement pour l'IA.
La frénésie boursière autour de l'IA semble toutefois s'être atténuée récemment en raison du coût des investissements nécessaires dans les centres de données et de ceux des processeurs spécialisés pour l'entraînement des modèles d'IA.
Apple a laissé entendre jeudi qu'elle ne suivrait pas la voie de ses concurrents, son directeur financier, Luca Maestri, ayant dit aux investisseurs de ne pas s'attendre à un changement radical dans la manière dont le groupe gère ses dépenses d'investissement.
Apple doit dévoiler de nouvelles fonctionnalités d'IA lors de sa conférence annuelle avec les développeurs prévue le mois prochain. Le fabricant de l'iPhone va également mettre à jour ses produits avec des puces dédiées à l'IA.
Répondant à une question d'un analyste, Luca Maestri a rappelé qu'Apple a pour habitude de longue date de partager les coûts des outils de production avec ses fournisseurs, ce qui lui a permis de maintenir ses coûts à un niveau bas et sa génération de trésorerie à un niveau élevé depuis plus d'une décennie.
"Nous procédons de la même manière pour les centres de données", a-t-il dit. "Nous disposons de nos propres capacités dans les centres de données, puis nous utilisons les capacités des tierces parties. C'est un modèle qui a toujours bien fonctionné pour nous et nous prévoyons de poursuivre dans cette voie à l'avenir", a-t-il expliqué.
Cette approche pourrait convenir à Apple, car il n'est pas certain que les fonctions d'IA comme les chatbots (robots conversationnels) fonctionnant directement sur un appareil incitent les consommateurs à acheter de nouveaux téléphones, tablettes ou ordinateurs portables, qui restent la principale source de revenus et de bénéfice du groupe.
Selon Ben Bajarin, analyste et directeur général chez Creative Strategies, si de meilleurs processeurs peuvent servir de point de base pour certains utilisateurs qui ont besoin d'outils d'IA pour un usage professionnel, de telles fonctionnalités ne devraient pas suffire à provoquer un bond des ventes.
"Il s'agit d'un élément qui contribuera à augmenter les ventes, mais je ne m'attends pas à ce que ce soit un super cycle", a-t-il déclaré. "Il faut veiller à tempérer les attentes", a-t-il ajouté.
(Reportage Stephen Nellis à San Francisco; version française Claude Chendjou, édité par Sophie Louet)