Plusieurs valeurs bancaires se sont effondrées lundi à la Bourse de Milan, provoquant leur suspension, alors que les investisseurs s'inquiètent d'un retard dans la consolidation de ce secteur, très éclaté et dont une partie est considérée comme à risque.
Le titre de la banque BMPS (Monte dei Paschi di Siena) était suspendu dans l'après-midi après avoir dévissé de 14,42%, à 0,7685 euros, tandis que celui de Banca popolare dell'Emilia Romagna (BPER) l'a été dans la matinée après s'être effondré de 8,97%, à 5,63 euros, tout comme UBI Banca, qui a perdu jusqu'à 8,53%, à 4,848 euros. A 14H15 GMT, Banco Popolare chutait pour sa part de 6,46%, BPM (Banca popolare di Milano) de 5,44% et Intesa Sanpaolo (MI:ISP), de 4,85%.
A l'origine de cet effondrement: en premier lieu, les craintes des investisseurs liées aux créances douteuses des banques italiennes, selon des opérateurs sur la place milanaise.
Quatre petites banques régionales --la Banca Marche, la Cassa di Ferrara, la Banca Etruria et la CariChieti-- ont fait fin 2015 l'objet d'un plan de sauvetage d'un coût de quelque 3,6 milliards d'euros pour le système bancaire italien.
"La situation des banques italiennes est délicate, parce que les créances douteuses se situent à un niveau très élevé, excédant 200 milliards d'euros", explique à l'AFP Lorenzo Codogno, chef économiste chez LC Macro Advisors Limited et ancien directeur général au ministère des Finances italien.
"Ceci limite la capacité du secteur bancaire italien à fournir du crédit à l'économie", souligne-t-il, "des organisations internationales, comme le FMI, ont appelé avec force l'Italie à faire quelque chose à ce sujet, en créant par exemple une bad bank", une structure de défaisance chargée d'isoler des actifs et des dettes, afin d'épurer les bilans des banques.
Mais les discussions avec la Commission européenne à ce sujet peinent à avancer, en raison de difficultés liées aux règles sur les aides d'Etat.
Autre raison de la réaction des marchés: la consolidation du secteur qui tarde à survenir, alors que l'Italie compte plus de 700 banques différentes, avec une pléthore de petits établissements.
- 'Trouver les bonnes combinaisons' -
"La communauté financière attend depuis des mois, mais cela ne se produit pas, ce qui cause une certaine volatilité", souligne Stefano Caselli, spécialiste des banques à l'université Bocconi de Milan.
Selon lui, cette consolidation "n'est pas simple (à mettre en oeuvre), les conseils d'administration attendent de trouver les bonnes combinaisons, ils ne peuvent pas se permettre de commettre une erreur", note-t-il.
Les banques, en vue de leur rapprochement, doivent à la fois négocier le modèle de gouvernance, la répartition des postes, la durée et les modalités de l'intégration.
Mercredi dernier, les titres de Banca Popolare di Milano (BPM) et Banco Popolare s'étaient envolés de 5,6% et de 4,21% sur fond d'informations de presse faisant état de discussions en bonne voie entre ces deux établissements. UBI Banca, qui cherche à se rapprocher lui aussi de BPM, avait en revanche fortement chuté.
Si l'une de ces opérations se concrétisait, le nouvel ensemble constituerait le troisième établissement bancaire italien, derrière Unicredit (MI:CRDI) et Intesa Sanpaolo.
Les dix plus grandes banques coopératives italiennes sont incitées à se rapprocher depuis le vote il y a un an d'une loi modifiant leurs règles de gouvernance. Alors que les actionnaires de ces banques disposent jusqu'à présent d'un droit de vote identique quelle que soit la part de capital possédée, la loi impose aux dix établissements concernés de modifier leur statut d'ici juillet pour accorder des droits de vote en fonction de la part détenue dans le capital.
Ces changements peuvent favoriser des prises de contrôle par d'autres groupes, ce qui conduit les banques italiennes à vouloir mettre en œuvre des fusions dites défensives.
M. Caselli --qui estime que la Bourse "exagère" car "le système bancaire italien est en fait solide"-- s'attend à voir une consolidation se dessiner "entre avril et le début de l'été".
M. Codogno considère également que "2016 sera l'année des grandes fusions et des acquisitions". Outre les grandes banques populaires, des banques de taille moyenne pourraient aussi entrer dans le jeu afin "de réaliser des économies d'échelle et réduire les coûts", estime-t-il.