WASHINGTON/PARIS (Reuters) - Deux cadres de la Société générale ont été inculpées jeudi aux Etats-unis pour leur rôle supposé dans l'affaire de manipulation du taux interbancaire Libor, qui sert de référence à la fixation des taux bancaires.
Danielle Sindzingre, 54 ans, chargée de la trésorerie de la SocGen au niveau mondial à l'époque des faits, et Muriel Bescond, 49 ans, alors à la tête de la trésorerie pour la France, sont accusées d'avoir soumis de fausses informations relatives aux taux auxquels la banque pouvait emprunter de l'argent.
Les deux femmes ne se trouvent pas aux Etats-Unis, selon un porte-parole du bureau du procureur à Brooklyn. Il n'a pas voulu répondre à des questions concernant leur éventuelle extradition.
Sur le site internet de la SocGen, Danielle Sindzingre figure actuellement en tant que codirectrice générale du trading obligataire, crédit et devises. Selon la page LinkedIn (NYSE:LNKD) de Muriel Bescond, celle-ci est aujourd'hui à la tête des dérivés à court terme au sein de la Société générale.
Les banques utilisent le Libor (London Interbank Offered Rate) pour établir les taux de très nombreux prêts : prêts immobiliers, de cartes de crédit, etc. Les taux Libor en différentes devises sont calculés en fonction des informations que communiquent les banques elles-mêmes sur le taux d'intérêt auquel elles se financent.
Depuis que le scandale de la manipulation de ces taux a éclaté, des banques et des sociétés de courtage ont dû régler un total de quelque neuf milliards de dollars (7,6 milliards d'euros) d'amendes de par le monde pour régler des litiges de manipulation du Libor. Plusieurs personnes ont été condamnées au pénal.
La justice américaine estime qu'entre mai 2010 et octobre 2011, Danielle Sindzingre, Muriel Bescond et d'autres personnes qui ne sont ni citées ni accusées ont fait en sorte que la Société générale fasse état de taux plus bas que ceux qu'elle aurait dû annoncer.
REHAUSSER LA RÉPUTATION DE LA BANQUE
Ces taux ont ensuite été utilisés, avec ceux de nombreuses autres banques, pour fixer le taux Libor en dollar américain.
Selon l'acte d'accusation, ce montage avait pour but de rehausser la réputation de la banque française parce que des analystes financiers avaient fait remarquer que la Société générale annonçait en général des taux d'intérêt plus élevés que la moyenne.
Ces faux rapports ont parfois débouché sur un affichage du taux officiel du Libor en dollar plus faible qu'il n'aurait dû être. Selon les procureurs, cette manipulation a eu un impact négatif de 170 millions de dollars sur les marchés financiers mondiaux.
Selon l'acte d'accusation, Danielle Sindzingre s'est demandée vers le mois de juin 2010 si de faux rapports n'allaient pas attirer l'attention des autorités financières. Elle a alors suggéré à ses supérieurs qu'ils commencent à augmenter les taux communiqués afin qu'ils correspondent aux taux effectifs d'emprunt de la banque.
Mais les rapports contenant des chiffres erronés pour les taux ont continué, poursuit l'acte d'accusation.
Contactée par Reuters, la Société générale n'a pas souhaité commenter le fond du dossier.
"Comme elle l'a déjà rendu public, Société générale a reçu des demandes d'informations de la part de plusieurs autorités - dont le Département américain de la Justice - relatives aux enquêtes sur les soumissions à l'Association des banques britanniques pour la fixation de certains taux de référence, dont le Libor", écrit l'établissement dans un communiqué.
"Société générale coopère avec les autorités conduisant ces enquêtes", assure-t-il.
(Eric Walsh, Brendan Pierson et Jonathan Stempel, avec Sudip Kar-Gupta et Julien Ponthus à Paris, édité par Dominique Rodriguez)