PARIS (Reuters) - La bataille en cours depuis des mois entre Scor (PA:SCOR) et Covéa a franchi mardi un nouveau palier avec la décision du réassureur d'engager des actions pénales contre son principal actionnaire, coupable à ses yeux d'avoir annoncé en pleine séance de Bourse l'abandon de son projet de rachat.
L'annonce par Covéa qu'il renonçait à prendre le contrôle de Scor a fait dévisser le titre de ce dernier, qui chutait de 11,73% à 36,35 euros vers 16h00 en Bourse de Paris après un plus bas à 35,20 euros, effaçant ainsi tous les gains enregistrés depuis la révélation le 4 septembre de l'offre de Covéa.
Exprimant sa "stupeur" après la publication du communiqué de Covéa pendant les heures de cotation, Scor, qui affirme ne pas avoir été informé au préalable des intentions de son actionnaire, a annoncé qu'il engageait des actions pénales contre l'assureur mutualiste et son PDG Thierry Derez pour abus de confiance et recel d'abus de confiance. Il va aussi intenter à leur encontre des actions en responsabilité civile devant le tribunal de commerce de Paris.
Scor, qui va aussi saisir l'Autorité des marchés financiers, accuse Thierry Derez, et en conséquence Covéa, d'avoir profité de sa qualité d'administrateur de l'entreprise pour utiliser des informations sensibles afin de favoriser l'offre non sollicitée lancée en août.
Il en profite pour réaffirmer sa volonté d'indépendance et d'autonomie.
Un porte-parole de Covéa a refusé de s'exprimer sur cette procédure judiciaire lancée par Scor. Une porte-parole de Thierry Derez n'a pas répondu aux appels destinés à obtenir une réaction de sa part.
Comme depuis le début de cette bataille, ce nouvel épisode s'accompagne d'échanges acrimonieux.
Covéa, qui regroupe les assureurs GMF, MAAF et MMA, a ainsi dénoncé "les attaques et manoeuvres hostiles et répétées dont (il) a fait l'objet depuis (la présentation de son offre et qui) se sont intensifiées ces derniers jours". Interrogé par Reuters, un porte-parole de l'assureur a refusé de préciser à quoi cette formule faisait référence.
Scor a démenti être à l'origine de telles "attaques" et jugé que l'initiative de Covéa confirmait ses "sérieux doutes sur les intentions et le comportement de Thierry Derez et de Covéa".
UN AVENANT EXPIRE EN AVRIL
Premier actionnaire de Scor avec une participation de plus de 8%, Covéa a annoncé en septembre avoir soumis le mois précédent une offre publique en numéraire à 43 euros par action visant 100% du capital du réassureur, valorisé 8,2 milliards d'euros.
Scor l'a rapidement rejetée, considérant qu'elle compromettait sa stratégie d'indépendance et qu'elle ne reflétait pas sa valeur intrinsèque.
Il a ensuite constamment maintenu cette position de fermeté vis-à-vis d'une offre jugée hostile, son PDG Denis Kessler affirmant en octobre que Scor refusait de devenir une filiale de Covéa.
Le réassureur a résisté aussi bien aux efforts d'apaisement de Covéa, dont le PDG Thierry Derez a démissionné en novembre du conseil d'administration de Scor, qu'à l'intervention du fonds activiste CIAM, monté au créneau pour dénoncer le rejet de l'offre de Covéa.
"Covéa a constaté le refus de Scor d'engager tout dialogue en relation avec son projet de rapprochement amical proposé le 24 août 2018", écrit l'assureur mutualiste mardi dans un communiqué. "En conséquence, Covéa indique qu'un rapprochement avec Scor ne fait plus partie de ses options stratégiques."
Entré au tour de table de Scor en 2003, Covéa s'est renforcé en 2016, date à laquelle il s'est engagé à solliciter l'avis du conseil d'administration du réassureur s'il souhaitait porter sa participation au-dessus de 10%. Cet avenant expire en avril et certains investisseurs ont émis l'hypothèse que Covéa pourrait ensuite lancer une offre hostile en cas d'échec d'une approche amicale.
Dans un secteur en pleine consolidation, Covéa espérait qu'un rapprochement avec Scor donnerait naissance à un nouveau champion de l'assurance et de la réassurance et lui permettrait d'internationaliser son activité.
Scor a aussi annoncé mardi des actions en responsabilité civile contre les banques d'affaires Rothschild en France et Barclays (LON:BARC) à Londres pour "violation grave de la confidentialité et du secret des affaires".
Rothschild et Barclays, banque conseil de Covéa, n'ont pas commenté cette initiative dans l'immédiat.
(Bertrand Boucey et Inti Landauro, avec Marc Angrand, édité par Marc Joanny)