Comme nous le disions la semaine passée, c’est moins vers la macro-économie et la géopolitique qu’il faudra regarder pour les semaines à venir, les dés étant déjà à peu près lancés entre 1/ les banques centrales qui ont joué leurs derniers atouts en relançant une énième fois leurs politiques accommodantes, 2/ Monsieur Trump qui adoucit le ton pour prévoir sa réélection et 3/ l’Europe qui devrait offrir au Royaume-Uni une sortie négociée, mais plutôt vers la micro-économie, avec notamment la saison des publications qui se poursuit ces jours-ci…
Nous noterons ainsi cette semaine la publication des chiffres de Vallourec (PA:VLLP) qui mérite l’attention car elle n’a pas été appréciée de la même manière par les actionnaires qui ont sanctionné le titre de plus de 10% vendredi et les créanciers qui y ont, eux, trouvé suffisamment de satisfaction pour laisser les obligations à leur niveau de 11 à 12% de rendement, alors qu’elles évoluent en dent de scie, au gré des nouvelles, depuis quelques mois.
Voici un résumé de la publication (source : Invest Securities) :
Le groupe a publié un CA au T3 2019 de 1 060m€ (+10%) avec un EBITDA de 84m€ (43m€ au T3 2018). Le résultat net reste négatif de -60m€ mais le Free Cash-Flow est positif de 26m€ (T3 2018 -153m€), comme il l’était déjà au T2.
La dette nette s’établit à 2 104m€. Pendant la conférence téléphonique, le management a annoncé pour les prochaines publications 1/ une forte croissance de l’EBITDA, 2/ la poursuite de l’amélioration du BFR 3/ un free cash-flow positif au T4. Enfin, la publication de cette semaine a confirmé que le covenant bancaire était bien respecté (Dette nette actuellement à 81%, donc inférieure à 100% des fonds propres).
Du point de vue du créancier donc, rien d’alarmant, bien au contraire, puisque l’entreprise a confirmé ses anticipations des mois passés, respecte son covenant bancaire avec une certaine marge et affiche un free cash-flow positif, ce qui lui permet de ne pas puiser dans ses réserves de cash, de ne pas dégrader son covenant et donc de se laisser le temps de la restructuration et du rétablissement.
Du point de vue des actionnaires en revanche, on peut noter que le seul chiffre négatif, à savoir le résultat net, a fortement déçu le marché, donc la capacité de l’entreprise à verser des dividendes dont sont dérivés bon nombre de modèles de valorisation. De plus, si pour un créancier, il suffit que l’entreprise existe pour voir son investissement fonctionner et être remboursé, les actionnaires, eux, ont besoin que l’entreprise connaisse un mouvement de croissance et dégage des résultats pour ensuite verser des dividendes, ce qui n’est pas encore pour demain… Vallourec pourrait en effet ne jamais parvenir à ce stade tant elle est grevée de dettes et liée à un secteur sensible dans lequel les entreprises les plus fragiles ne pourront faire face aux mastodontes dont la gestion aura été plus conservatrice. Ainsi, CGG (PA:GEPH) a-t-elle déjà dû restructurer sa dette en laminant une partie de ses créanciers, certes en en préservant quelques-uns (comme nous l’avons mentionné la semaine passée) tandis que d’autres entreprises comparables, peu endettées ont pu tirer parti de leur position de force, comme Schlumberger.
Sur les niveaux actuels des obligations Vallourec, les créanciers intègrent encore une probabilité de faillite à hauteur de 4% à horizon 1 an et de 10% à horizon 5 ans, ce qui est encore très élevé si on compare ce chiffre à la probabilité moyenne des corporates en Europe qui se situe plutôt en deçà des 1% à 5 ans.
De notre point de vue, la situation de Vallourec est encore pour le moment trop fragile pour se positionner car 1/ la dette est encore massive, 2/ les cash flows sont certes positifs ce trimestre mais ce n’était pas le cas au T1 et les proportions entre périodes négatives et positives sont clairement défavorables (+26M€ au T3 contre -159M€ au T1, soit un rapport de 6 fois), 3/ la gestion de l’entreprise a montré de grosses lacunes par le passé en termes de stratégie et le management, issu des grands corps d’Etat ou de grandes entreprises publiques, n’a pas changé (EDF (PA:EDF), Saint-Gobain (PA:SGOB) de 2000 à 2008 avant une restructuration in extremis, Thomson Multimédia, Areva (PA:AREVA),…), 4/ le secteur des parapétrolières, aujourd’hui en difficulté, n’est pas propice à des entreprises aussi peu flexibles et endettées que Vallourec.