PARIS (Reuters) - Entre 164.500 personnes, selon le ministère de l'Intérieur, et 310.000 personnes, selon la CGT, ont défilé mercredi partout en France à l'occasion du 1er-Mai, marqué à Paris par des heurts entre forces de l'ordre et militants radicaux.
Les 7.400 policiers mobilisés dans la capitale ont été confrontés à des centaines d'activistes "black blocs" et de manifestants "Gilets jaunes" radicalisés, infiltrés parmi les 28.000 manifestants comptabilisés par les autorités.
Ailleurs en France, des centaines de défilés rassemblant des militants syndicaux et des "Gilets jaunes", qui ont profité de la Fête du travail pour organiser leur 25e journée d'action depuis novembre, se sont pour la plupart déroulés dans le calme, avec parfois quelques heurts en fin de parcours.
Malgré de fortes tensions et des destructions par endroits à Paris, la journée a été globalement moins violente que l'édition 2018 du 1er-Mai dans la capitale.
Avant et pendant le défilé intersyndical parisien, des journalistes de Reuters ont constaté la présence dans le quartier du Montparnasse de dizaines d'hommes au visage dissimulé, pour la plupart vêtus de noir. Certains étaient rassemblés derrière une banderole où l'on pouvait lire : "Colère noire. Ni oubli ni pardon".
"On ne lâche rien", "Révolution, c'est notre projet", pouvait-on lire sur les pancartes d'autres manifestants.
Les CRS, déployés en grand nombre, ont fait usage de gaz lacrymogène. Au total selon une source policière, 24 manifestants et 14 membres des forces de l'ordre ont été blessés, dont au moins un CRS touché à la tête par un pavé.
Du mobilier urbain et des véhicules ont été dégradés, ainsi que des devantures de banques, a constaté Reuters.
La CGT a dénoncé une "répression inouïe et sans discernement" dont son secrétaire général, Philippe Martinez, a été victime. La préfecture de police de Paris a démenti avoir pris la CGT pour cible.
ENVIRON 240 DÉFILÉS AU TOTAL (PA:TOTF), SELON LA CGT
"On est très satisfaits de l'ampleur de la mobilisation", a déclaré Philippe Martinez à la presse après avoir brièvement quitté le cortège. "C'est une manifestation de travailleurs et de travailleuses qui disent au gouvernement et au président de la République : il faut changer de politique."
"Aujourd'hui celui qui sème le désordre, c'est Emmanuel Macron", a estimé pour sa part à Metz (Moselle) la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen.
Selon un décompte de la préfecture de police de Paris établi à 17h00, les forces de l'ordre ont procédé à plus de 15.300 contrôles préventifs et 288 interpellations. A 17h30, le parquet de Paris recensait 220 gardes à vue.
Selon la CGT, "près 250 manifestations" organisées dans tout le pays se sont déroulées "dans le calme".
A Bordeaux, 6.400 manifestants dont 1.300 "Gilets jaunes" selon la préfecture - 10.000 selon la CGT -, ont marché dans le centre-ville dont une partie leur était interdite par un arrêté préfectoral. Parti de la place de la République, le cortège des organisations syndicales était cette fois précédé de "Gilets jaunes", de jeunes porteurs de drapeaux noirs, de manifestants de la Confédération nationale du travail (CNT).
A Marseille, 30.000 personnes ont manifesté selon la CGT, 5.500 personnes dont 1.200 "Gilets jaunes" d'après la police.
"Ce qui est nouveau cette année, c'est la jonction entre le mouvement ouvrier, traditionnel, syndical et le mouvement spontané, insurrectionnel, des Gilets jaunes", a déclaré sur place le leader de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon.
"Jusqu'à quel point, dans quelles proportions, comment tout cela se mélange bien ou mal, c'est ça la grande question politique dans laquelle est plongé notre pays et à laquelle sont confrontés tous les dirigeants responsables, y compris nous", a ajouté Jean-Luc Mélenchon, qui était accompagné par Manon Aubry, la tête de liste LFI pour les élections européennes du 26 mai.
"PASSER DE LA COLÈRE À L'ENGAGEMENT", DIT BERGER
La CGT a défilé aux côtés de la FSU, Solidaires et des organisations étudiantes Unef et UNL.
Force ouvrière n'avait pas lancé d'appel national et a laissé ses antennes locales organiser leurs propres rassemblements ou se joindre aux actions d'autres syndicats.
La CFDT, la CFE-CGC et la Fage s'étaient pour leur part donné rendez-vous place de l'Odéon à Paris, où le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a rappelé l'attention portée par son organisation au mouvement des "Gilets jaunes".
"On accepte évidemment avec intérêt ces préoccupations qui sont portées par d'autres. Mais il faut passer de la colère à l'engagement et l'engagement, c'est de porter des propositions concrètes", a-t-il dit devant la presse, une semaine après les annonces d'Emmanuel Macron pour répondre à la crise sociale.
Une manifestation pour le climat s'est déroulée entre la place du Panthéon et Montparnasse.
D'autres rassemblements importants ont eu lieu à Toulouse, Lyon ou encore Strasbourg, où environ 2.000 personnes, selon un journaliste de Reuters, se sont retrouvées.
(Elizabeth Pineau avec Clotaire Achi, Benoît Teissier et Emmanuel Jarry à Paris, Gilbert Reilhac à Strasbourg, Jean-François Rosnoblet à Marseille et Claude Canellas à Bordeaux, édité par Bertrand Boucey et Henri-Pierre André)