par Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) - La campagne officielle en vue des élections européennes, qui s'est ouverte lundi, voit s'affronter un nombre record de 34 listes qui ont peu de chances de perturber le duel annoncé entre le camp présidentiel et le Rassemblement national.
A deux semaines de l'échéance, les panneaux d'affichage fleurissent en amont d'un scrutin pour lequel l'abstention atteint traditionnellement des sommets - 57% en France en 2014, dans la moyenne des 28 Etats membres de l'UE.
Elu il y a deux ans sur une plate-forme européenne, surgi dans la cour du Louvre au son de "l'Hymne à la joie" le soir de sa victoire, Emmanuel Macron fait une affaire personnelle de ce premier scrutin depuis son arrivée au pouvoir il y a deux ans par une victoire sur le Front national, transformé depuis en Rassemblement national (RN) pour adoucir son image.
Le chef de l'Etat a rendu visite aux candidats mardi dans un restaurant parisien et promis 48 heures plus tard en Roumanie qu'il mettrait "toute (son) énergie pour que le RN ne soit pas en tête" le 26 mai, date à laquelle 46,9 millions d'électeurs sont appelés aux urnes.
Réplique de la présidente du RN, Marine Le Pen, le soir même sur Franceinfo : le chef de l'Etat "transforme donc volontairement et de son fait cette élection européenne en référendum pour ou contre lui".
LAREM "VERDIT" SON PROGRAMME
Après avoir dramatisé les enjeux, les tenants de la liste La République en marche-Mouvement démocrate (LaRem-MoDem) se concentrent sur leur programme à forte dimension écologique, qui inclut un plan d'investissement de 1.000 milliards d'euros d'ici à 2024 en faveur d'une transition "verte".
Le camp présidentiel tente de rogner le score d'Europe Ecologie-Les Verts, annoncé par les sondages entre 7% et 9%, après avoir fait le plein de soutiens dans la droite modérée et europhile, tendance Alain Juppé.
Pour mener bataille, le gouvernement est mis à contribution à la demande expresse du président. Pour la deuxième fois en quelques jours, le Premier ministre Edouard Philippe est ainsi venu épauler Nathalie Loiseau samedi à Strasbourg, aux côtés de l'ancien chef du gouvernement Jean-Pierre Raffarin.
Handicapée par des maladresses, méconnue du grand public, l'ancienne ministre des Affaires européennes devenue tête de liste peine à convaincre dans ce qui constitue la première campagne électorale de sa carrière.
LaRem a pour ambition, outre celle de dépasser le RN, de faire émerger au Parlement un pôle centriste assez puissant pour torpiller l'alliance traditionnelle entre conservateurs et sociaux-démocrates, au-delà de leur clivage.
Les dernières enquêtes d'opinion ont mesuré un effritement au bénéfice du RN, qui espère arriver en tête, comme le Front national en 2014, avec près de 25% des voix.
Le camp des Républicains veut aussi y croire. Fort de soutiens importants comme le président du Sénat, Gérard Larcher, et le négociateur de l'UE pour le Brexit Michel Barnier, la liste du professeur de philosophie conservateur François-Xavier Bellamy est annoncée à 14%, loin des 20,8% de l'UMP il y a cinq ans mais en hausse constante dans l'opinion depuis un mois.
A La France insoumise, Manon Aubry, 29 ans, multiplie meetings et passages dans les médias pour s'imposer comme tête de liste de la formation de Jean-Luc Mélenchon, qui organise un "Festival de l'insoumission" dimanche à Paris.
TAUBIRA ET CAZENEUVE EN SOUTIEN DE PS-PLACE PUBLIQUE
Son score est prédit autour de 10%, devant celui du chef de file d'EELV, Yannick Jadot, qui poursuit son cavalier seul à gauche sur une ligne dure avec Emmanuel Macron, jugé insincère en matière de défense de la nature.
Branle-bas de combat aussi pour le duo Place publique-Parti socialiste emmené par Raphaël Glucksmann, à qui les sondages prédisent au mieux 6%, alors qu'il ambitionne de redonner espoir aux "orphelins de la gauche".
Il compte sur l'appui de l'ancienne ministre Christiane Taubira mercredi à Rouen (Seine-Maritime) et sur celui l'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve, le lendemain à Lyon. L'ancien président François Hollande devrait lui aussi bientôt s'engager en faveur de sa famille politique, malgré un bilan critiqué, a glissé son entourage.
Derrière ces leaders, pas moins de 28 listes se disputent les voix restantes, avec peu de chance de passer la barre des 5% nécessaires pour envoyer des élus à Strasbourg.
Le communiste Ian Brossat, le leader de Génération.s Benoît Hamon ou encore le fondateur de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, comptent sur la campagne officielle, qui impose un temps d'antenne égal à chaque candidat, pour créer en leur faveur une improbable surprise.
La semaine dernière, une 34e liste intitulée "Une Europe au service des peuples" a été ajoutée à un nombre déjà record de 33 castings validés dans un premier temps, après étude de la candidature par le Conseil d'Etat.
(Edité par Yves Clarisse)