par Elizabeth Pineau et Jean-Baptiste Vey
PARIS (Reuters) - Benoît Hamon aborde en favori le second tour, dimanche, de la primaire organisée par les socialistes, dont l'issue décidera des possibles alliances en vue des élections présidentielle et législatives, comme de l'avenir d'un PS menacé de scission.
Son adversaire Manuel Valls, qui appelle à une mobilisation massive d'électeurs rebutés par les promesses "infinançables" de Benoît Hamon pour inverser la tendance, s'est présenté vendredi comme le seul à avoir une chance de gagner la course à l'Elysée.
"Je suis convaincu que si je gagne cette primaire, demain, moi, je peux gagner l’élection présidentielle", a-t-il dit à la presse lors d'un déplacement en Meurthe-et-Moselle. "Rien n'est écrit et tout est possible".
Dans la matinée, il avait expliqué qu'il ne pourrait défendre le projet de Benoît Hamon s'il était battu, tout en respectant les règles de la primaire. "Je serai loyal. Je m'effacerai", a-t-il dit sur BFM TV et RMC.
Conscient de l'enjeu, le Premier ministre Bernard Cazeneuve, chef de la majorité, réunit lundi matin à Matignon l'ensemble du gouvernement "pour une discussion collective" sur les résultats du scrutin, a-t-on appris de source gouvernementale.
Alors que sondages et ralliements donnent Benoît Hamon gagnant, des députés socialistes proches de Manuel Valls se préparent d'ores et déjà à affronter l'élu "frondeur", ce qui pourrait faire le jeu d'Emmanuel Macron, candidat hors primaire qui a pour l'heure le vent en poupe dans l'opinion.
S'il l'emporte dimanche, Benoît Hamon, représentant d'une aile gauche du Parti socialiste jusqu'alors minoritaire qui a empoisonné tout le quinquennat de François Hollande, se retrouverait de fait chef du parti.
"Ce qui se joue, c'est la culture de gouvernement contre une régression infantile de la SFIO d'avant Mitterrand", a déclaré à Reuters le député "vallsiste" Gilles Savary.
HAMON FERA "TOUS LES GESTES NÉCESSAIRES"
Face à la difficulté d'attirer les élus rétifs, Benoît Hamon a affirmé qu'il ferait "tous les gestes nécessaires" au rassemblement, sans mettre la charrue avant les boeufs.
"Je ne considère pas que la victoire est acquise", a-t-il dit sur RTL avant de s'afficher dans Paris aux côtés d'Arnaud Montebourg, rallié à lui après être arrivé troisième à la primaire.
"Nous nous tournons vers l'avenir. La dérive libérale, parfois même autoritaire, est une réalité de ce quinquennat. La gauche est en train d'écrire une nouvelle page de son histoire", a dit à la presse l'ex-ministre du Redressement productif.
Après un dernier débat télévisé respectueux sur le ton mais clivant sur les idées, Manuel Valls, qui a toujours rêvé d'accéder à l'Elysée, a déploré une campagne "trop courte" où les débats entre les sept candidats ont créé selon lui une certaine "confusion".
Soutenu par son successeur Bernard Cazeneuve et la moitié du gouvernement, Manuel Valls, 54 ans, n'a pas fait le plein des ralliements, à la différence de Benoît Hamon, 49 ans, appuyé par Arnaud Montebourg (plus de 17% des voix au premier tour) et des figures comme la maire de Lille Martine Aubry.
Si 5,5 millions de téléspectateurs ont regardé mercredi le débat sur TF1 (PA:TFFP) et France 2 selon Mediamétrie, difficile de dire combien de personnes se déplaceront dimanche dans les quelque 7.200 bureaux de vote mis en place par le PS.
Des soupçons ont entaché la publication des résultats du premier tour, auquel ont participé 1,6 million de personnes, un score faible si on le compare au premier tour de la primaire de la gauche en 2011 et à celle de la droite, en novembre.
Interrogés vendredi dans le Parisien, les deux finalistes espèrent un niveau de participation proche de deux millions.
La semaine écoulée a été troublée par l'affaire Penelope Fillon, épouse du candidat de la droite à la présidentielle soupçonnée d'avoir été rémunérée pour des travaux fictifs, notamment d'attachée parlementaire de son mari.
La justice s'est saisie du dossier, mettant en danger celui qui semblait jusqu'ici le mieux placé pour remplacer François Hollande en mai prochain à l'Elysée.
Manuel Valls voit dans cet épisode un indice en sa faveur. "Je suis convaincu que les électeurs de gauche sont peut-être en train de se rendre compte que la gauche peut gagner de nouveau l'élection présidentielle", a-t-il dit dans l'Est.
(Avec Gilbert Reilhac en Meurthe-et-Moselle et Emmanuel Jarry à Paris, édité par Yves Clarisse)