par Alexander Winning
MOSCOU (Reuters) - L'opposant russe Boris Nemtsov, ancien vice-Premier ministre de Boris Eltsine et critique virulent aussi bien de Vladimir Poutine que de l'implication de Moscou dans le conflit ukrainien, a été tué vendredi soir dans le centre de Moscou, à quelques mètres du Kremlin.
gé de 55 ans, il a été atteint de quatre balles dans le dos et son assassin, qui se trouvait à bord d'une voiture blanche, est parvenu à prendre la fuite, selon le ministère de l'Intérieur.
Il a été pris pour cible alors qu'il traversait un pont sur la Moskova en compagnie d'une Ukrainienne qui n'a pas été blessée, a précisé un porte-parole de la police.
Les forces de l'ordre ont fermé l'accès au pont, situé non loin des murs du Kremlin et de la Place rouge, après cet assassinat de type mafieux qui évoque les années troubles ayant suivi l'effondrement de l'Union soviétique.
Boris Nemtsov est, de loin, l'opposant le plus en vue assassiné depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, il y a 15 ans.
Le président, qui s'est empressé de condamner ce meurtre, a annoncé qu'il superviserait lui-même l'enquête et a évoqué la piste d'un "contrat" ou d'une "provocation". Boris Nemtsov devait participer dimanche à Moscou à une grande manifestation de l'opposition.
Aucune revendication n'a été formulée et Mikhaïl Gorbatchev, ancien président de l'Union soviétique, a mis en garde contre les conclusions hâtives.
"Certaines forces vont tenter de tirer profit de ce meurtre. Elles se demandent comment se débarrasser de Poutine", a-t-il souligné.
"Dans le climat de haine et de violence créé par Poutine à l'étranger comme en Russie, les effusions de sang sont un moyen d'exprimer sa fidélité, de montrer que vous faites partie de l'équipe", a quant à lui commenté Garry Kasparov, autre figure de l'opposition.
"La question n'est pas de savoir si Poutine a donné l'ordre d'assassiner Boris Nemtsov. C'est la dictature de Poutine, sa propagande permanente sur les ennemis de l'Etat", qui est en cause, a-t-il ajouté.
Les détracteurs du chef de l'Etat font l'objet de vives pressions depuis le début de son troisième mandat. Plusieurs ont arrêtés après le vaste mouvement de protestation organisé il y a trois ans et d'autres ont choisi l'exil.
TUÉ POUR AVOIR DIT LA VÉRITÉ
"Qu'un dirigeant de l'opposition puisse être abattu à côté des murs du Kremlin dépasse l'imagination. Il n'y a qu'une seule explication possible : il a été tué pour avoir dit la vérité", s'est indigné Mikhaïl Kassianov, ancien Premier ministre de Vladimir Poutine passé dans l'opposition.
Le président américain Barack Obama, qui a dénoncé "un meurtre odieux", a invité Moscou à mener "rapidement une enquête impartiale et transparente" et à faire en sorte que "les responsables soient traduits en justice".
"Boris Nemtsov était un avocat infatigable de son pays, voulant pour ses concitoyens russes les droits auxquels tout le monde a droit", ajoute Barack Obama, qui s'est montré très critique à l'égard de Vladimir Poutine dans la crise en Ukraine.
"Boris Nemtsov était un défenseur courageux et inlassable de la démocratie et un combattant acharné contre la corruption", dit son homologue français François Hollande dans un communiqué.
Selon la presse, Boris Nemtsov craignait pour sa sécurité en raison de son opposition à l'implication russe en Ukraine, objet de la manifestation de dimanche, qu'il préparait depuis des semaines. Les organisateurs envisagent désormais d'en faire une cérémonie à sa mémoire.
Selon Ksenia Sobtchak, autre figure de l'opposition, Boris Nemtsov travaillait à un rapport sur la présence de forces russes en Ukraine, que le Kremlin nie avec acharnement.
Impliqué par ailleurs dans la lutte contre la corruption, il avait notamment dénoncé le coût pharaonique des Jeux olympiques d'hiver de Sotchi et dressé la liste de nombreux bâtiments publics, hélicoptères et avions mis à la disposition de Vladimir Poutine.
Boris Nemtsov était à la tête des mouvements de protestation sans précédent qui ont eu lieu au cours de l'hiver 2011-2012. A la fin des années 1990, il a été brièvement vice-Premier ministre sous la présidence de Boris Eltsine, poste qui lui a valu sa réputation de réformateur libéral.
(Avec la contribution de Vladimir Soldatkin,; Nicolas Delame, Benoît Van Overstraeten et Jean-Philippe Lefief pour le service français)