Une métaphore footballistique me vient à l'esprit et illustre parfaitement ce à quoi nous assistons depuis 7 semaines sur les indices boursiers et notamment sur le CAC40.
Quand on manque de vision du jeu et qu'on ne sait plus où envoyer le ballon, on le garde sous la semelle ou on multiplie feintes et contre-pieds en attendant de trouver une ouverture.
S'ensuit une multiplication de faux départs et de fausses ruptures au cours de la même semaine (voire au sein de la même séance, comme nous l'avons vécu mercredi).
Une séance de retournements typique
Le marché parisien s'est offert trois inversions de vapeur mercredi pour, au final, clôturer à un trait de crayon de son ouverture :
- hausse +0,8% en fin de matinée ;
- puis repli de -0,4% à 4 734 points (nouveau plancher annuel et peut-être une première alerte à la consolidation moyen terme sous 4 750).
Mais les acheteurs ont repris la main au cours de la dernière heure et le CAC40 a repris sans forcer 22 points, pour clôturer sur un gain de +0,26% à 4 766,6 points. Ouf, le support des 4 750 est sauvé et toute tentative de passer vendeur à découvert découragée.
Mais les faibles volumes montrent que personne ne s'y est laissé prendre (3,5 Mds€ sur la séance).
Même scénario sur l'Euro-Stoxx50 qui affichait jusqu'à -0,7% lors de l'ouverture des marchés US avant de se redresser au final vers 3 238 points et sauver le support des 3 230.
Fin 2016, le scénario que les stratèges ruminaient déjà était que cette succession de mouvements browniens allait prendre fin au profit d'une tendance haussière sur l'Europe, au détriment des valeurs US, grâce aux bons résultats trimestriels. Mais, pas de chance : comme nous l'avons déjà démontré dans nos précédentes chroniques et comme l'a rappelé Mathieu Lebrun dans son point de marché, hier, "la décorrélation entre les records US et la faiblesse du CAC40 s'accentue", et voilà que les résultats des banques, qui devaient constituer le deuxième étage de la fusée haussière, reçoivent un accueil plus que glacial (notamment ceux de BNP Paribas (PA:BNPP)).
Rotation sectorielle vers les défensives
Difficile de dire que la volée de bois vert est justifiée mais force est de constater que l'aspect graphique du secteur n'est guère engageant. Nous avons de franches ruptures des supports de court terme, des structures graphiques en double-top (Société Générale (PA:SOGN)) ou pire... en triple-top comme sur Crédit Agricole (PA:CAGR), Natixis (PA:CNAT), BNP Paribas (PA:BNPP).
Inutile de préciser que le risque de contamination au CAC40 et au SBF 120 est bien réel... mais les indices s'en sortent avec une rotation sectorielle en faveur des défensives (Sanofi (PA:SASY), Danone (PA:DANO), Vinci (PA:SGEF), Orpea (PA:ORP) dont les résultats sont applaudis) ou des utilities jugées survendues (Veolia (PA:VIE), Engie (PA:ENGIE), Suez (PA:SEVI)).
Il y a toujours une bonne raison de préserver le statu quo indiciel ; il y a toujours un contre-pied dans les tuyaux pour rappeler à l'ordre ceux qui se laisseraient tenter par une vente à découvert.
... Un marché "lemmingfian"
Les principales victimes ce mercredi furent les shorts sur les marchés obligataires, au moment où ils pouvaient s'y attendre le moins. Pas de chiffres, pas d'actualité "banque centrale", pas d'éclaircissement de l'horizon politique. Il n'y avait donc aucune raison de voir le rendement de nos OAT se détendre brusquement de 9 points à 1,010% (contre 1,11%), et le spread se contracter de 7 points de base par rapport au Bund. Il n'y avait aucune raison et c'est pour cela que c'est arrivé... Ce fut du brutal.
Et c'est une des clés du fonctionnement des marchés depuis 2012 en Europe. Puisqu'il n'y a pas de raison, c'est donc que l'intelligence ne peut fournir aucune arme pour contester ce qui surgit contre toute attente... Cela ne laisse qu'une seule alternative à l'investisseur : s'abstenir d'anticiper quoi que soit et se retirer du jeu, soit suivre aveuglément une tendance, comme des lemmings boursiers. En espérant que le bord de la falaise soit le plus loin possible.