Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
L’anecdote est parfaitement authentique ! Hier, aux alentours de midi, j’enregistrais une vidéo avec mon confrère et spécialiste des plans de trade Gilles Leclerc concernant la stratégie poursuivie sur le service Agora Trading Lab et nous sommes tombés d’accord sur le fait que les marchés étaient désormais télécommandés à coups de tweets de Donald trump.
Vers 15h35, en parcourant un forum boursier (d’un « broker » installé à Paris), je lisais un post d’un trader qui jugeait en substance que « ce serait le bon moment pour que Trump “balance” un tweet qui réveille Wall Street ». Quarante minutes plus tard, la Bourse de New York prenait 0,5% en l’espace de quelques secondes, puis 0,5% supplémentaire dans l’heure qui a suivi.
Par quel miracle ? Ce qui était d’abord une rumeur relayée par nos confrères de Bloomberg et de CNBC, avant d’être rapidement confirmé par la Maison Blanche, à savoir que le président américain était favorable au report de six mois de la surtaxe (jusqu’à 25%) sur le secteur automobile européen qui devait entrer en vigueur ce samedi.
Et comme pour être bien sûr que Wall Street ne rebascule pas à la baisse à la mi-séance (après tout, le report des sanctions contre les constructeurs européens ne concerne pas la Chine, qui était à l’origine du coup de blues de lundi), le secrétaire d’Etat aux Finances Steven Mnuchin en a remis une couche en rapportant que les pourparlers avec la Chine devraient reprendre « à brève échéance ».
On ne sait pas quand, ni ce qui sera discuté, ni dans quel état d’esprit sont les négociateurs chinois, ni même s’ils confirment les assertions de M. Mnuchin, mais qu’importe ! L’essentiel, c’est de persister dans le narratif initial et d’entretenir le pseudo-suspense, de bien montrer que le feuilleton continue et que tout le monde espère qu’il se terminera par un happy end.
L’économie américaine donne des signes de faiblesse
Si quelque chose doit aboutir lors du prochain sommet du G20 (les 28 et 29 juin à Fukuoka), sachant que Donald Trump et Xi Jinping effectueront le déplacement, le président américain pourra se targuer d’être le plus grand négociateur de l’histoire moderne et d’avoir libéré l’Amérique du piège commercial chinois, en place depuis 18 ans via l’OMC (2001 est la date de l’entrée de la Chine au sein de l’institution), grâce à son légendaire « art du deal ».
Pour l’heure, Donald Trump ne peut cependant revendiquer que d’avoir mis en place des sanctions douanières dont il ne peut même pas démontrer qu’elles renflouent le commerce extérieur américain, sachant que le déficit commercial avec la Chine continue de se creuser !
Il peut en revanche prétendre qu’il met en difficulté l’Empire du Milieu puisque la demande intérieure se contracte, comme en témoigne une baisse de 0,2% des ventes de détail au mois de mars.
Reste qu’il ne sert pas à grand-chose de se réjouir du malheur des autres quand, à l’intérieur, les signes de fragilité se multiplient… Car aux Etats-Unis aussi, les ventes de détail se sont contractées de 0,2% (contre +0,3% attendu), mais le mois dernier.
Autre déception : la production industrielle a reculé de 0,5% en avril, après une hausse de 0,2% en mars, tandis que le taux d’utilisation des capacités industrielles américaines a reculé de 0,6 point à 77,9%, alors que le consensus visait une légère progression à 78,7%.
Ces mauvaises statistiques expliquent pourquoi la FED de New York (celle qui supervise Wall Street) évalue désormais la probabilité d’une récession au cours des 12 prochains mois à 27,5%, soit le chiffre le plus élevé depuis la crise financière de 2008 et celle de 2001.
Combien de temps encore Donald Trump va-t-il se prévaloir de la « croissance rugissante » des Etats-Unis pour narguer la Chine ? Avec un Yuan tombé au plus bas de l’année à 6,89 $, il ne devrait pas pouvoir continuer à faire le malin très longtemps…