Les enquêtes (nationales, régionales) envoient des signaux contradictoires. Il est trop tôt pour trancher entre consolidation et essoufflement. Les chiffres de l’emploi vont plutôt dans le sens de la deuxième analyse, mais il faut plus d’un mois pour faire une tendance.
En début de semaine a été publié l’indice ISM pour le secteur manufacturier. Après trois mois de hausses qui ont porté l’indice de 49,9 en novembre à 54,2 en février, le repli enregistré en mars a été bien plus marqué que nous ne l’attendions (-2,9 points). Les composantes production et nouvelles commandes1, qui avaient été celles progressant le plus rapidement entre novembre et février, sont celles qui ont le plus reculé en mars. Ainsi, la première est aujourd’hui légèrement inférieure à son niveau d’il y a quatre mois (de 0,9 point à 52,2) et la seconde légèrement supérieure (de 0,3 point à 51,4). Si l’indice composite reste de 1,4 point supérieur à son plus bas de novembre, c’est grâce aux indices stocks et emploi.
Depuis 2010, le profil de croissance est heurté, avec des débuts d’année prometteurs suivis de ralentissements au printemps qui eux-mêmes précédaient des rebondissements à l’automne. Lors de sa dernière conférence de presse, suite à la réunion du FOMC des 19 et 20 mars, Ben Bernanke avait mentionné le risque de voir l’économie américaine enregistrer une évolution saisonnière similaire. Annoncer un tel essoufflement sur la base d’un seul mois nous semble délicat. Les données d’enquêtes, même celles de l’ISM, sont toujours à relativiser. Ainsi, les enquêtes régionales ne donnent pas le même signal, si ce n’est l’indice PMI pour la région de Chicago, où l’industrie automobile reste prédominante. Sur les douze Fed régionales, cinq mènent des enquêtes sur l’activité manufacturière dans leur district. Les premières à publier leurs résultats sont les Fed de New York et de Philadelphie, dont nous utilisons les données pour construire notre Indice NEM (Nord Est Manufacturier). Comme l’illustre le graphique, l’indice NEM évolue exactement de la même façon que la somme pondérée de toutes les données régionales2, ce qui tient à la grande diversité du secteur manufacturier dans cette région des Etats-Unis. Il met, par ailleurs, en valeur la divergence entre l’ISM national et les enquêtes régionales. Après avoir progressé plus rapidement que ces dernières, et alors que celles-ci prolongent la tendance, l’indice ISM n’a fait que corriger son excès d’optimisme pour rejoindre le niveau de confiance suggéré au niveau régional.
Le recul de l’indice ISM dans le secteur non manufacturier apporte davantage de crédibilité à la thèse du ralentissement printanier. L’indice composite a reculé de 1,6 point, tout en demeurant confortablement au-dessus du seuil des 50 points (à 54,4), alors que les composantes se comportent très différemment de celles de 1 L’indice ISM composite est une moyenne équipondérée de cinq sous-indices : production, nouvelles commandes, emploi, délais de livraison et stocks. 2 La moyenne comprend, en plus des enquêtes dans les districts de New York et Philadelphie, celles menées par les Fed de Dallas, Kansas City et Richmond. l’enquête auprès du secteur manufacturier : maintien de la production (56,5 en mars contre 56,9 en février), mais recul marqué de l’emploi (à 53,3 après 57,2). Prise dans son ensemble, l’économie semble avoir marqué le pas en mars, comme le montre le repli de 1,7 point de notre Indice M&N (une somme pondérée des données des deux enquêtes ISM). En moyenne trimestrielle, le message reste à une stabilisation à un bon niveau, avec un indice M&N à 54,9 au T1 2013 après 54,5 au T4 2012, nous confortant dans notre prévision de croissance pour le début d’année (+3,3% en rythme trimestriel annualisé).
En 2010, l’essoufflement pouvait être expliqué par la crise de la dette souveraine dans la zone euro. En 2011, la conjonction de l’envolée des prix du pétrole suite, au Printemps arabe et les perturbations des chaînes de production mondiales, suite à la catastrophe de Fukushima l’avaient initié. En 2012, le ralentissement brutal des créations d’emplois, en pesant sur le dynamisme du revenu disponible, avait entraîné une moindre croissance de la consommation des ménages. En résumé, on en revient une fois de plus à l’emploi. En effet, les perspectives pour les exportations américaines ne semblent pas souffrir outre mesure de la récession européenne. Les nouvelles commandes à l’exportation sont ainsi parmi les composantes les mieux orientées des enquêtes ISM, alors que la faible inflation continue de soutenir le revenu disponible. A cet effet, le rapport emploi pour le mois de mars est plutôt inquiétant, avec un ralentissement des créations d’emplois et de la progression des rémunérations, un nouveau recul du taux d’activité et un allongement de la durée du chômage. Reste que les heures travaillées, en progression de 3,5% (taux annualisé sur trois mois) n’indique pas, loin s’en faut, que l’activité aurait calé en mars, alors qu’il est possible de souligner un certain optimisme, avec une nette hausse du nombre de personnes choisissant de quitter volontairement leur emploi : elles ne peuvent qu’anticiper des jours meilleurs.