En trading, tout ce qui n’est pas gagné est perdu, au même titre que tout ce qui n’est pas perdu est gagné. Notre balance est toujours relative, certains jours avec, certains jours sans et les revenus, non scalables comme l’explique Nicholas Taleb dans sa trilogie, sont perpétuellement en mouvement.
Pourquoi est-il si compliqué de laisser courir les gains ? Vous connaissez probablement tous cette recette du succès en trading : « laisser courir les gains et couper les pertes. » Dit comme ça, cela semble simple, il suffit de le faire ! Pourtant, n’importe quel trader un tant soit peu expérimenté sait que cela s’avère beaucoup plus compliqué qu’il ne semble…
Petit tour d’horizon des influences psychologiques, chimiques et culturelles puis, j’aborderai ce qui me semble être les deux solutions centrales pour mieux gérer vos gains.
La chimie…
…Ou plus précisément, les hormones.
Dans le rôle principal, j’ai nommé : la dopamine. Ce neurotransmetteur est directement lié à la sensation de gratification. Je suis récompensé pour une bonne action, je secrète de la dopamine. Cette hormone nous fait nous sentir vraiment bien. Nous avons de l’énergie, la sensation du devoir accomplis et une véritable fierté.
La sérotonine ensuite, je fais un effort, mental ou physique et j’ai la sensation que c’est utile, que c’est bon pour moi, je secrète de la sérotonine et cela influence directement mon humeur, je suis plus joyeux.
L’ocytocine. Le lien avec l’ocytocine est, de prime abord, un peu à l’alambiqué, pourtant, j’ai la certitude que son influence est énorme. L’ocytocine, c’est l’hormone de la tendresse, de l’amour et donc, de la confiance ; et de la confiance, il nous en faut beaucoup pour laisser courir des gains.
Le cortisol. C’est l’hormone du stress, lorsqu’on a la sensation d’être en danger, on sécrète du cortisol et, celons certaines variables psychologiques, un gain qui court peut-être associé à un danger tant il risque de fondre comme neige au soleil.
La testostérone, associée par un raccourci un peu rapide à l’hormone de l’agressivité ne rend pas forcément plus agressif : elle pousse l’individu à élever son statut social, cela peut passer par l’agressivité évidemment, mais aussi par la générosité et l’équité de jugement.
Donc, que se passe-t-il lorsque vous suivez une position gagnante ?
Admettons que vous ayez attendu un signal correspondant à votre plan de trading, vous avez été patient et vous avez la sensation de faire du bon travail, vous secrétez de la sérotonine et vous êtes déjà relativement fier de vous. Vous vous dites que vous avez bien fait de rentrer à ce moment et votre humeur est plutôt bonne. Le gain latent augmente et vous attendez de pied ferme votre petit shoot de dopamine. Cette attente est déjà un frein pour laisser courir le gain parce qu’en même temps, vous secrétez du cortisol à cause de cette idée qui tourne dans votre tête : « Et si le marché se retourne ? » Et en effet, le marché peut se retourner. La sérotonine vous pousse à anticiper le besoin de dopamine et la conscience de la latence du gain secrète du cortisol : vous êtes fébrile. Pour pallier à cette fébrilité, une alternative : la sécrétion d’ocytocine qui va passer par une confiance légitime dans votre target et par une acceptation de soi notamment dans vos failles, ou la testostérone, plus masculine, qui va s’appuyer sur une vision de jugement équitable.
Comme vous le voyez, il y a de contingences chimiques réelles qui vous freinent pour laisser courir vos gains, alors, s’il vous plait, pas de culpabilité, pas d’auto-dévalorisation, vous êtes humains et s’il y a en effet des solutions pour s’améliorer, ce que nous sommes à la base ne nous aide absolument pas à laisser courir des gains.
La culture
Pour faire un point rapide sur l’impact de la culture dans la gestion du gain, c’est assez simple, il suffit de se remémorer les proverbes si présents dans l’inconscient collectif : « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras », « ne lâche pas la proie pour l’ombre », « pierre qui roule n’amasse pas mousse »…
On peut aussi se souvenir de Pinocchio qui veut tout pour rien et tout pour lui et qui se fait avoir… La liste est longue !
Dans cette même vague d’idée : « tout travail mérite salaire » ou le biblique « tu gagneras ta vie à la sueur de ton front. » Bref, culturellement, nous sommes baignés dans une idée de justice entre la peine ou le travail fournis et la gratification financière qu’on en retire.
Mais en trading, la notion de justice n’apparait que sur le long terme, voir le très long terme, selon votre unité de temps.
Le pilier de ma philosophie en trading, c’est la loi des grands nombres. Le résultat d’un trade n’est pas juste, le résultat de dix trade n’est pas juste, par contre, 100, 1000 ; là oui, il y a une vraie justice.
Culturellement, nous ne sommes pas préparé pour accepter une justice si différée et nous sommes constamment invités à chercher une justification immédiate.
Je crois en plus que la culture de la modernité n’aide pas. Les anciens savaient attendre, ils labouraient, ils plantaient une graine, ils attendaient la pluie, ils attendaient le soleil et enfin ils récoltaient. Aujourd’hui, internet renforce la culture de l’immédiateté. Si on cherche une information, elle est certainement disponible quelque part, sur le net immédiatement. Nous pouvons contacter pratiquement n’importe qui, n’importe quand et nous devenons fébriles, voir même frénétiques : on veut toutes nos réponses pour hier.
La psychologie
Jusqu’à présent, j’évoquais des postulats généraux qui sont des freins pour laisser courir les gains. C’est pour tout le monde pareil, à la base, nous sommes tous soumis à la chimie ou à la culture.
Il convient pourtant d’apporter une nuance, certains sont plus détaché que d’autres pour des raisons psychologiques.
C’est compliqué de faire le résumé de mon modèle dans un article, je ne vais même pas tenter. Vous pouvez toutefois l’appréhender avec le livre « Trouvez votre systéme grâce au neuro-trading », disponible sur Amazon…
Quel que soit le niveau de confiance en soi, la gestion du gain est compliquée, pour des raisons différentes :
- Le soumis va subir deux leviers majeurs : le premier, c’est qu’il a besoin d’être vite fixé et de retrouvé la sensation de sécurité, donc il aura tendance a vite couper ses gains, trop content de s’en sortir à bon compte. Le second, plus sournois, c’est le droit de gagner. Quelqu’un qui a de la soumission ne se sent pas le droit de beaucoup gagner sur un trade, il aura tendance à couper parce qu’un gain élevé ne lui parait pas juste. Ici, on est dans le domaine de l’auto-sabordage et croyez-moi si je vous dis que c’est beaucoup plus rependu que vous ne pourriez l’imaginer.
- Le dominant lui a des difficultés à attendre, il gagne, il coupe, c’est aussi binaire que cela. Ensuite, il est frustré, évidemment. Il voit que le marché continu sans lui et ça l’énerve, il peut alors rentrer en stress, même si c’est léger et avoir des attitudes revanchardes.
Ensuite, selon votre personnalité, il y a plusieurs valeurs qui vont venir entraver votre capacité à laisser courir les gains.
Le philosophe, qui aime être tranquille peut être tenté de vite couper pour ne pas avoir à vivre avec une position ouverte. Le novateur, qui a grand sens des responsabilités voudra lui aussi couper ses gains parce qu’on ne sait jamais, si ça se retourne, au moins, il aura encaissé une petite plus-value. L’animateur, qui a besoin de se sentir libre de détaché de toute entrave voudra lui aussi se débarrasser de cette préoccupation pour faire autre chose. Le gestionnaire a la sensation de privilégier la sécurité en coupant rapidement ses gains. Le stratége, souvent très mesuré, privilégie une approche rationnelle : « Je gagne donc je coupe ». Le compétiteur a besoin de réussites pour se sentir exister, il aura donc tendance à couper trop vite. Le participatif, qui est doux par nature a peur de la violence de la perte, il coupe les gains. Et le solidaire ne fait pas de trading, donc.. peu importe.
Comme vous le voyez, tout le monde est concerné, et personne ne fait exception à la règle, nous sommes conditionnés à la base pour couper les gains.
Mais ça ne veut pas dire que c’est une fatalité, alors que pouvez-vous faire pour y remédier ?
Solutions
Comme je l’évoquais en introduction, ce qui n’est pas gagné est perdu, pourquoi ? Parce que le trading, c’est des gains moins des pertes. Tout le monde fait des pertes et si vous ne laissez pas courir vos gains conformément à votre plan de trading, vous ne pouvez pas gagner, c’est mathématique.
Les mêmes qui ne savent pas laisser courir leur gain, savent par contre parfaitement laisser se creuser leur pertes… Si vous coupez vos gains trop tôt, c’est l’anti-pouvoir de vos pertes que vous plafonnez.
Je crois qu’il y a trois choses à faire concrètement :
La première, c’est une prise de conscience, c’est ce que je tente ici.
La seconde, c’est de choisir une unité de temps opérationnelle qui corresponde à vos besoins. L’être humain peut changer, c’est évident, vous pouvez progresser et je crois que chaque jour peut nous permettre de devenir meilleur. Mais soyons lucides, cela ne se fait pas en un claquement de doigt ; changer demande soit du temps, soit de la souffrance, soit les deux. Donc, dans un premier temps, je vous invite à vous poser cette question :
Combien de temps et quelle amplitude de gains suis-je à même d’encaisser systématiquement ?
Et enfin, la dernière piste, c’est la confiance légitime : vous devez tester votre approche de trading, soit en backtest, le sujet est vaste, soit en pointant les signaux de façon manuelle, cela demande beaucoup de temps et de travail. Quelle que soit la méthode choisis, vous devez accroitre votre confiance légitime : sur un large éventail de trade, si j’ai telle politique de risque sur tels signaux, je suis gagnant. La confiance légitime se construit et à ce titre, cela demande du temps et c’est un réel choix de votre part.
Mais si ne savez pas laisser courir vos gains, qu’avez-vous de mieux à faire pour le moment ?